Le monde de Juju

27 mai 2006

Quand j'sera grande...

C'est marrant de constater, à nos âges avancés, ce que nous avons finalement fait de notre début de vie. Quand j'étais en primaire, je voulais avoir un appareil dentaire, des béquilles et porter des lunettes. Je voulais également me marier avec mon amoureux de l'époque, porter des mocassins rouges vernis, devenir la meilleure copine d'Hélène Rollès. Mon grand rêve était d'être bijoutière la semaine et boulangère le week-end. Et faire des enfants c'était dégueu de la bouche.

Tout ça semble si loin!! Je suis aujourd'hui tellement plus raisonnée! Je veux porter des stilettos de 10 cm de haut qui me broient littéralement les doigts de pied, me faire marteler le nez au burin par un homme en blouse blanche, acheter une fortune des sacs dans lesquels je ne peux rien mettre, me parer d'une couche de masacara dont les paillettes m'irritent les yeux en fin de journée. Je vais bosser 50h hebdomadaires pour partir une semaine par an dans un bungalow de 9m² , acheter un chien moche que je devrai sortir tous les matins à l'aube et me faire piquouser le visage afin d'être moins vieille.

L'est belle la vie.

Enfin tout ça c'est ce que j'aimerais. En réalité, le samedi matin je ne "brunche" pas en terrasse avec mes meilleures amies. Je mate "Question Maison" en robe de chambre, me vernissant les orteils de la main gauche, essayant difficilement de manger ma bouillie fromage blanc - compote de pommes - céréales de l'autre main, le visage figé par un masque d'argile verte.
Je mange le poulet encore bouillant avec les doigts, je fais des bulles dans mes milk-shakes vanille et une fois sur deux le boutonne mal ma veste (je mets mardi avec mercredi comme dirait ma maman). Je suis bieeeeeen loin des couv' de mes Marie-Claire US que j'empile dans mes toilettes. Pourtant j'achète les produits et je mets tout comme c'est dit sur la bwate! Mais je ne marche pas de façon tortueuse, une main élégamment posée sur la hanche et le visage grave.

Alors qu'est-ce qui cloche?

Moi ?!

Naaaaaaaaaan.

Ce sont les magazines. Ce qu'ils ne disent pas, c'est que les filles des couvertures sont nées spéciales. Il doit y avoir, dans un pays dont on ne connaît pas le nom, des couveuses remplies de bébés aux profils grecs et aux yeux clairs. Dans leurs bulles en verre, les nourrissons habillés de grenouillères en velours rose ou bleu (oui parfois y a des hommes sur les couv', mais ce sont quand les filles qui achètent) ne pleurent pas, ne crient pas. Ils sourient. Pas de ces sourires béats et un peu cons qui donnent aux bébés l'air d'avoir été valiumés, non des sourires classes, retenus et charnus. Ils ne se mettent pas les doigts dans le nez et n'ont pas la bouche qui bulle pendant qu'ils dorment.

J'pouvais pas lutter.

Moi d'abord je n'ai su marcher que tard, quand je me suis aperçu que rouler sur moi-même ne me mènerait jamais qu'à mon point de départ. Et je me cassais toujours la figure. Les filles de couv' elles n'ont jamais des croûtes de 20cm² aux genoux. Elles doivent avoir des genoux en plastique. Ou une peau amovible. Des sortes de pansements qui remplacent l'endroit croûté. Les filles de couv' ne disent jamais "croûté".

Enfin, ma chance dans tout ça est que je ne figurerai jamais dans les toilettes de quelqu'un. Nan mes ex ne sont pas si bizarres. Quand même!

Quoique...

Bref. Tout ça pour dire qu'on ne peut pas être bijoutière et boulangère. Ben oui, le lundi j'aurais les doigts gras à cause des croissants, et ça ferait des marques sur les bijoux. Et les bijoux, ce sont les filles de couv' qui les achètent. Moi j'les regarde. Et ça brille. Ce sont les appareils dentaires des riches. Parce que les filles de couv' elles ont toujours des dents parfaites. Mais moi je riais toujours trop grand alors mes dents étaient à leur aise. Les dents du bonheur qu'ils disaient.

Enfin... Je ne sais plus où je voulais en venir... Vous non plus? Mais vous ne m'écoutez pas ou quoi??? Ingrats !! D'abord, Hélène Rollès, elle, elle aurait su...

25 mai 2006

Cinéma cinéma cinéma Tchi tchaaaaaaaa

Je n'ai jamais trop aimé les jours fériés. Bon on peut faire la grasse mat', mais tous les magasins sont fermés, la ville est déserte (surtout vu le temps aujourd'hui) et on a droit à une rediff' de Beethoven 15 sur TFoune. Bwof (c'est un bof, mais en plus bof, un best of bof).

Donc au menu de la journée : un ciné. Pour la première fois de ma vie, je vais aller au ciné seule. Je fais donc un voeu en fermant les yeux très fort : ne jamais plus aller au ciné seule. Ca, c'est fait.

C'est donc sous la pluie, et à pied (les bus font grève les jours fériés) que je me suis rendue au ciné intimiste de ma ville. A côté des énorme complexes UGC, ce petit bouiboui fait fi de point de chute des films à petits budgets. C'est un vieux ciné aux fauteuils rouges, au velours râpé, qui sent bon le caramel et dans lequel il fait toujours trop chaud.

Je choisis au hasard un film dont l'affiche est plutôt jolie, une jeune fille aux jambes blanches est assise, ou plutôt posée, sur une chaise noire. C'est parti. Je prends mon ticket et grimpe les marches menant au premier étage. Une quinzaine de minutes plus tard, alors que nous sommes 5 dans la salle (dont un homme lisant le journal?!), le film démarre. Chuuuuuuut ...

Après un générique un brin long (environ 8 minutes) résumé en un plan fixe sur une fille se limant les ongles, je m'aperçois que le film est en roumain (ou quelque chose comme ça) sous-titré en bulgare (environ aussi). Je regarde autour de moi les autres spectateurs qui ne semblent pas le moins du monde surpris et hochent la tête au fur et à mesure du monologue.

Après une dizaine de minutes passées à essayer de piger le pitch, j'ai baissé les bras et suis sortie dans le couloir. Je descends acheter un gobelet de Sprite, et me cale contre les marches en contre-bas, celles qui font face à la vitre extérieure mais aussi aux toilettes. Point sécurisant. Dehors la pluie tombe violemment, le vent semble faire tomber les gouttes à l'horizontale. Un enfant passe, accroché énergiquement au bras de sa mère, et saute dans toutes les flaques qu'il croise. Plus loin, un chien s'ébroue à côté d'un papy qui se met à râler et qui continue son chemin en grognant et en prenant à parti des témoins que lui seul connaît.

Deux adolescentes survoltées manquent de me marcher dessus et se dirigent vers le cabinet de toilettes. Je n'ai jamais compris l'habitude des filles de cet âge (voire plus, je ne citerai pas de noms) qui consiste à aller aux toilettes par deux. Rituel social (han je t'aime bien, laisse-moi faire pipi à côté de toi!)? Peur de se perdre? De se casser un doigt en appuyant sur la chasse d'eau et avoir besoin d'une autre pour se rezipper? Ah mystère de l'adolescence... J'ai dû en louper quelques affres.

La vieille caissière, maquillée à la truelle, se tourne vers moi, lève son menton et me lance:
" - L'est pas bien le film?
- Je comprends pas le roumain
- C'est du tchèque
- Non plus..."
Elle se retourne, désintéressée, et reprend son tricot. Je ne sais pas combien de temps je suis restée là, à mâchouiller ma paille. Assez pour voir mes amis spectateurs sortir de la salle, époustouflés par la grandeur du film (enfin je crois, je sais pas).

J'attends que la pluie se calme un peu et tente une sortie. Le chien est toujours dans la rue, il renifle les semelles pressées des passants. J'erre dans quelques rues, tout à l'air endormi. Je passe acheter un chausson-franboise dans une boulangerie ouverte et m'asseois sur un banc, dans le parc du centre ville. Mes chaussures sont revouvertes de boue, mais ça ne me dérange pas. Ca me rassure même.

L'acalmie semblant déjà terminée, je me lève et presse le pas vers mon appart', où des vêtements secs et un bon thé chaud m'attendent. J'en frissonne de plaisir. Et, en prenant soin de bien marcher dans chaque flaque d'eau, je parcours le peu de chemin qu'il me reste avant de retrouver mon confort quotidien. Il n'y a rien de meilleur qu'écouter la pluie tomber dru lorsqu'on est bien au chaud chez soi. Sauf peut-être l'écouter à deux...

Enfin si un jour, accompagnée, mon passe-temps préféré est d'écouter la pluie plutôt que l'autre, je me poserai de sérieuses questions. Ah les paradoxes féminins...

24 mai 2006

Mets-moi en boîte

Je ne sais pas si vous avez déjà remarqué, mais le passe-temps favori de vos amis en couple lorsque vous êtes célib' est de vous caser. Peut-être une fois maqués vous voient-ils d'un oeil neuf : les soirées m&m's devant une énième rediff' de Friends sur canal Jimmy leur font pitié. Ils vous voient finir seule, complétement désorientée, et s'imaginent déjà obligés de vous emmener en vac', sur le siège arrière, entre les jumeaux blonds Léa et Léo.

Ainsi pour mieux se débarasser, ils veulent refiler la patate chaude à un Jules. Encore faut-il le dénicher. Ainsi vous voyez Itchi et Scratchi, total in love, venir vous chercher, la bouche en coeur, un samedi soir alors que la saison 9 allait à peine commencer. Et merde, j'aurais pas dû ouvrir.

Pour ne pas perdre 2 heures à palabrer, j'enfile un pantalon noir, un top noir et mes bonnes vieilles converses noires. Un trait d'eye-liner noir et du rouge à lèvres ... pas noir non, le look goth c'est pas encore mon truc. Et me voilà, l'air renfrogné, la tête dans les épaules, boudant à l'arrière de la voiture.

Quelques minutes plus tard, nous arrivons dans une boîte méga-hype aux enceinte hurlant "Je te survivrai" de JPF. Le couple infernal s'enfuit déjà dans la foule pour danser ou ... je ne sais quoi. Me voilà seule, plantée comme une blonde potiche que je suis, feignant mollement de battre le rythme avec ma jambe. Courage, fuyons. Direction le bar. Le barman, à qui on n'avait pas expliqué que le marcel résille ne sied qu'aux mannequins fétiches de Calvin Klein, s'approche de moi et me demande : "Malibu mars, marg-strech acide ou indian tequila? " ...

Euh ... T'as pas du jus de pomme? On the rocks stoplé. Il me regarde comme si j'étais complétement déglinguée, ce qui au fond me rassure venant de la part d'un routier aux tétons piercés et au bras parcouru par Johnny. Il me tend mon verre, je chippe au passage une paille fluo et me dirige vers un ptit canapé rouge, dans un coin sombre, qui m'a l'air tout destiné.

Je m'asseois donc de bon coeur sur le siège, et avec surprise m'enfonce de 50 cm. La classe : canapé à eau. Mon jus de pomme est en partie renversé sur mon pantalon et mes genoux m'arrivent au niveau
du visage. Au moins, ça me masque en partie la vue.

Je cherche mes amis du regard... Niet. Par contre, un jeune homme à la tête rasée (sauf une houpette à la Tintin et une longue queue de cheval, une sorte de coupe Mullet mais ratée... si si, c'est possible) me regarde bizarrement. Son tee-shirt Tunning Forever pétille sous la lumière noire. Très hype. Il s'approche lourdement, j'essaie vainement de me renfoncer dans mon siège, mais les mouvements d'eau me donnent l'air d'onduler. Il doit penser la proie alléchée. Il met son visage contre mon oreille (c'est totalement anti-sexy l'intimité forcée) et me hurle à m'en décoller le tympan "T'danses avec mô?" . Pfiou même à l'oral son orthographe m'est indigeste.

Je cherche des yeux une façon de me défiler. Je me lève tant bien que mal avec une classe me rappelant la mère de Miss Fine, et agrippe en vitesse un grand brun à côté de moi. "Euh ça aurait été avec plaisir mais je suis accompagnée" dis-je avec un sourire siiiiii naturel. L'objet de mon excuse met quelques secondes à percuter et dit de façon à peine exagérée "Ouais ouais euh... tu danses pas avec un autre d'abord."

Notre fan de tunning s'éloigne ayant déjà en ligne de mire une autre esseulée. Je remercie d'un sourire mon hélas-faux-accompagnant et le raccroche à sa table. Assez repoussée à l'idée de me renfoncer dans le canapé-bouée, je vais d'un pas mal assurée sur la piste. Je commence à me déhancher façon "Roooooock to the beat" de Bigard, balayant autour de moi toute personne osant approcher.

Il faudra qu'Itchi me tapote sur l'épaule longtemps plus tard pour que je stoppe ce mouvement qui, je l'avoue, commençait à me donner la nausée. Il me fait signe qu'on s'en va, la musique est nulle (naaaaaaaaaaaaan tu crois? Emile et Image c'est top tendance, je m'éclate!). J'essaie de me frayer un chemin au sein de ce dense Kékéland (tiens, il n'a pas participé à L'Ile de la tentation lui?) lorsqu'une godiche en plateformes m'écrase le pied à tel point que je sens des os craquer.

Tel Hulk (oui, les nausées m'ont verdi le teint) je pousse un hurlement guttural, bouscule Cagolette et joue des coudes pour sortir en vitesse. Le couple de la soirée, que j'ai à peine entraperçu (merci bien) me dépose devant chez moi.

Je grimpe les escaliers marche par marche, claudicante, espérant bien réveiller mon voisin du 2ème, en vain. Ouf! Me voilà chez moi. M&m's. Télécommande. Soupir de délectation. Tout ça pour ça! Enfin, il faut bien savoir les occuper, les couples qui s'emmerdent...

22 mai 2006

Julie cuisine

Ayant beaucoup de temps libre en ce moment, et bien décidée à devenir enfin "bonne à marier", j'ai décidé de prendre quelques cours de cuisine. Pas que je sois si nulle que ça mais... en fait c'est bien pire encore. Je me pointe donc à l'heure prévue dans le petit resto qui organise tout ça. Nous sommes une dizaine, quelques femmes mures, un papy, une bande de trentenaires et un jeune homme. Je me redresse, vérifie rapidement mon reflet dans un miroir mural. Ok ça va à peu près.

Le chef bedonnant nous invite à le rejoindre en cuisine. Aujourd'hui au menu: Gambas flambées! Hum... Moi qui n'aime pas les crustacés, c'est parfait... Enfin, comme on dit, fille à marier, jamais dépitée, je lance un grand miam aux alentours avec un regard alléché. Les plans de travail sont assez grands pour cuisiner en binôme. Chic chic chic! Je croise les doigts pour avoir droit à Quasi-Prince. Le chef nous répartit. Me voilà affublée d'une soixantenaire mal conservée bien que botoxée, trop bronzée et péroxydée. J'ai la nausée. Mais comme on dit : femme au fourneau, toujours dispo. Grand sourire et bise chaleureuse. Je l'adoooooore déjà.

Quasi-Prince se retrouve avec une des trentenaires, fraîche et souriante, enjouée et craquante. Bref une pouf. Qu'il regarde avec plus d'appétit que les ingrédients disposés sur nos tables. Début de la recette!

Nous devons tout d'abord couper un ail et lui enlever son germe. J'ai l'impression d'être une esthéticienne traquant les comédons rebels. Mamie Barbie et moi nous préoccupons, très concentrées, chacune de notre ail. Je finis par réussir à retirer le germe comme une pro. La tige blanche et gluante reste collée à mon doigt. Sourire en toute circonstance. Je commence à m'agiter comme une dégénérée pour le retirer. Rien à faire. Je secoue frénétiquement la main qui heurte la pile de casserole. Tout s'écroule dans un chahut on ne peut plus discret. Femme qui ramasse, toujours la classe! Je m'habille d'un sourire bien faux et me penche pour tout ramasser. Le fichu germe est tjs collé à mon index, je profite de ma position accroupie pour le coincer sous ma semelle. Ouf! Il reste forcément accroché à ma converse, mais après tout je m'en débarasserai dehors, c'est pas grave.

Deuxième étape : hâcher ail et persil ensemble. Je prends un couteau bien large et m'amuse à faire celle qui va poignarder tout le monde. Ca n'amuse que moyennement Mamie Barbie qui me fait une moue mi-gênée-mi-dégoutée. Ou peut-être est-ce un sourire. Difficile à dire, un muscle sur deux a laissé tomber l'affaire. Je me mets à hâcher de bon coeur en chantonnant. Dans un sens... Dans l'autre... Ce qui devait arriver arriva, je viens de me couper net un ongle fraîchement french-manucuré. Zut! Ce truc m'a coûté 50 euros. J'essaie de chercher mon bout d'ongle dans la persillade... Le chef me félicite de ma concentration, tout le monde se retourne et je feins celle qui hâche de tout son coeur. Ca y est! Voilà la victime de mon crime. Je jette discrètement le petit bout blanc dans la poubelle. Ni vue ni connue.


Ensuite
, faire chauffer l'huile à feu fort dans la poêle. L'huile se met à frémir, puis à bouillir grossièrement. Elle commence à grésiller puis à gicler un peu partout. Me voilà le visage recouvert de petits points d'huile bouillante. Femme brûlée, femme enjouée! Je m'essuie le visage dans mon tablier blanc en tissu. Une grande trace de fond de teint me zèbre le ventre, mon visage est rouge et luisant. Je commence à désespérer.


Quatrième étape : prendre les gambas et les jeter dans l'huile. Beuuuurk. C'est plein d'antennes, de pattes, d'yeux et tout ça. Je déteste les fruits de mer. Me voyant à deux doigts de vomir, Mamie Barbie retire vite les gambas et les jette dans la poêle. Je me ressaisis. Femme dégoutée, toujours emballée. Quasi-Prince s'approche de moi au ralenti et me regarde, me parle. Complétement ailleurs, perdue dans ses yeux (lequel est le plus joli?...), je ne comprends pas tout de suite ce qu'il me dit.
" - ... brûler.
- Pardon?
- Vos gambas sont en train de brûler!"
Mince!! Mamie Barbie s'est éclipsée pour dragouiller le chef, les gambas sont littéralement carbonisées.
" - Il ne faut pas faire autant chauffer l'huile.
- Oui mais je ne voulais pas qu'elles souffrent...
- ...
- ...
- Mais elles étaient mortes voyons.
- Oui mais vous savez, tout être a une âme et..."
Il tourne les talons et s'en va sans me laisser le temps de finir ma phrase. Femme prise pour une conne, jamais tu n'étonnes. Je retire la poêle du feu et la place sous le robinet d'eau froide. Pschhhhhhhhhhhhhh un immense nuage asphyxiant s'étale dans la pièce. Mes gambas sont noyées. Mes fringues sentent la friture. J'égoutte comme je peux les crustacés dans du papier essuie-tout et les jette à nouveau dans la poêle. Continuons.

Enfin, y verser l'ail et le persil... Ok... Mamie Barbie revient et prend un air halluciné en voyant les gambas. J'ai peur qu'elle reste bloquée avec les yeux exhorbités. Je lui souris. Elle me regarde d'un air morne. Voici le moment où il faut "verser le cognac et flamber hors du feu". Me connaissant, je prends peur. Mais Mamie dit craindre pour la paille qui lui sert de cheveux. Je me jette à l'eau. Je verse fébrilement le cognac et commence à flamber. Bon il ne reste plus grand chose à griller, mais ma belle flamme bleue fait l'admiration des autres élèves. Contente de cet instant de gloire, je fais celle pour qui c'est absolument normal. Les flammes commencent à lécher mon tablier. Les traces de fond de teint prennent feu. Je jette le contenu de la poêle sur Mamie Barbie qui se met à hurler, et je cours en rond dans la pièce en criant comme un boeuf. Femme allumée, jamais désespérée. Le chef court à ma rencontre et me jette à la figure l'eau contenant les épluchures de légumes. Le feu est éteint. Ma fierté aussi.

Je dégage les morceaux de pommes-de-terre de mon épaules, ramène ma mèche gluante sur le côté, et me dirige vers ma paillasse comme une princesse. Le chef nous tend à tous un doggy bag afin de pouvoir déguster tout ça chez soi. Génial... Je me tourne vers l'homme en blanc et lui demande d'un faux air enjoué "A quand le prochain cours?". Il ne m'a jamais répondu, me regardant d'un air outré. Je sors du restaurant, penaude, quand je vois Quasi-Prince remonter la ruelle. Je lui cours après et lui demande si ça l'intéresse de partager ce repas avec moi, j'habite pas loin et ça serait plus sympa... D'autant plus qu'il pourrait me réexpliquer quelques points de la recette... Mais il me répond que non, il n'est pas dispo de toute façon et il est très pressé. En effet je le vois rejoindre au coin de la rue Miss Pouf, 30 ans, bonne à marier.

Je rentre chez moi lentement, pas très motivée. Je grimpe les escaliers, ouvre la porte. Mon chat est là, miaulant à la mort. Forcément je n'ai plus rien dans le frigo à lui donner. Je jette un oeil à mon doggy bag, hésite... Est-ce que ca va le tuer?... Bof, faisons l'essai. Je verse le contenu carbonisé dans sa gamelle. Il renifle, recule d'un air désapprobateur et file se rouler en boule dans son lit rond, au salon. Je le suis, m'avachis sur le canapé, jette ma tête en arrière et étends mes jambes sur la table basse.

Tiens c'est bizarre, ça sent l'ail...

Le temps des cerises

Mes week-ends de célibataire commençant à me déprimer, j'ai décidé dimanche soir de me concocter une petite soirée romantique avec Grosbisou. L'ourson, toujours de bonne humeur, s'est mis à ronronner dès que je lui ai proposé le projet, c'est plutôt bon signe. Le temps d'enfiler une robe noire, des chaussures à talons (engins de torture civilisés) et de peigner mon cavalier, nous nous dirigeons d'un bon pas vers un petit resto de la vieille ville.

D'un bon pas... tout est relatif... Grosbisou marche évidemment très lentement, et à force de le porter mes bras commencent à s'endolorir. Une demi-heure plus tard, les pieds en compote et l'entrain envolé depuis bien longtemps, nous arrivons devant la porte du restaurant. Long soupir. "Une table pour deux s'il vous plaît!". Le serveur me dévisage longuement et fixe d'un air étrange Grosbisou. Un rictus moqueur se dessine sur son visage et d'un air hautain il nous explique que tout est réservé depuis bien longtemps. Long soupir. Nous repartons doucement, un peu perdus.

Après 5 essais infructueux, nous abandonnons notre recherche d'une bonne table. Long soupir. Je pense un instant rentrer chez moi et terminer la soirée devant Discovery Channel, sirotant un verre de jus de pomme. Mais finalement je refuse que cette soirée soit semblable à toutes les autres. Je soulève l'ourson et le pose sur mes épaules. Et je marche. Je marche. Je passe chez le petit épicier du quartier et lui achète quelques poignées de cerises, qu'il m'emballe dans un petit sac en papier marron.

Je ne sais pas exactement où j'emmène mon cavalier, mais je marche. La nuit est plutôt douce en ce mois de mai, des lampadaires jettent sur le pavé des auréoles de lumière que je m'amuse à contourner. Grosbisou s'endort peu à peu, assis sur mes épaules, sa frimousse écrasée sur le haut de ma tête, les bras ballants dans le vide.

Après une heure de marche, j'arrive en périphérie de la ville. Je grimpe difficilement sur le pont piéton surplombant la nationale qui borde la ville. Long soupir. Le vent est tiède, de la ville n'émane qu'un murmure un peu sourd et une nappe de points lumineux s'étale devant moi. Je descends Grosbisou qui se réveille doucement, les yeux collés et la bouche molle. Je le dépose contre moi, relève ma robe, jette mes chaussures et m'asseois en tailleurs, face au vide. Un flot irrégulier de voitures s'écoule sous le pont. Je tends mon sac de cerises à Grosbisou, qui en pioche une bien mûre et me la tend.

Nous avons dû passer 2 heures à cet endroit, assis l'un contre l'autre, à grignoter nos cerises. Nous n'avons pas échangé un regard, nous scrutions la ville, qui pétillait au loin, et les voitures qui se pressaient sous nos pieds. Le vent se rafraîchissant, nous avons pris le chemin inverse, main dans la main. Mon sac de papier était vide mais mon coeur rempli de silence.

Arrivée chez moi, j'ai déposé Grosbisou sur ma couette. A peine lové il s'est endormi, ronronnant. Je n'étais pas vraiment fatiguée et j'ai commencé à faire chauffer de l'eau pour un thé. Je me suis assise sur le rebord de ma fenêtre, le front contre la vitre froide, dehors tout est encore endormi pour quelques heures. J'allume la télé, zappe rapidement, l'éteins. Un sourire timide refuse de se déloger de mon visage. Bizarrement, je ne me sens plus seule. Je rallume la télé et mets directement Discovery Channel. Mon esprit s'amuse et mes doigts pianotent sur le coussin... Je me sens bien. Long soupir. Oups mon eau bout! Je file dans la cuisine, me verse une bonne rasade dans une tasse Bart Simpson et ouvre ma boîte à thé. Hum quel parfum... cerise?

20 mai 2006

Fly me to the spoon

J'ai toujours adoré les enfants. Enfin sauf ceux des autres. Et étant donné que je n'en ai pas encore...

*petit moment de solitude*

Bref! Toujours est-il que les pires sont ceux qu'on est amené à garder. Besoin d'argent de poche, service rendu à des amis de nos parents, rares sont ceux qui un jour n'ont pas gardé les enfants des autres. On dit toujours que les enfants se rebellent contre leurs parents, mais je tiens à souligner cette théorie : c'est aussi le cas avec les babysitters!

Tout d'abord, on arrive tout sourire! On s'est blindé mentalement, la soirée sera bonne, les enfants calins, ils s'endormiront gentiment devant le dernier Walt Disney pendant qu'on feuillettera le Marie-Claire de Madame, et zou au lit. Une soirée tranquille en perspective. Mais il y a une chose qu'on ne nous dit jamais : ils réclament de l'attention. Horreur!

Alors on se met à jouer à Barbie Hip-Hop avec la plus grande. Non seulement on essaie de garder son sourire en effectuant des flip flap flop impossibles avec Skipper (ouais d'abord si on choisit Barbie la petite pleure, alors on oublie la laideur de Skipper en la coiffant d'une mini casquette Von Dutch), mais en plus on se fait littéralement engueuler si on ne suit pas la chorégraphie à la lettre. Et si on oublie d'appuyer sur le bouton en plastique de l'autoradio rose fluo de Barbie, c'est le drame. Je vous préviens d'avance, une telle bourde est irrécupérable.


On finit par réussir à s'éclipser en prétextant aller chercher la dernière vidéo de Usher pour faire "tout pareil avec les barbies". La petite peut toujours attendre. Et en cette seconde bénie où on ferme la porte et que le silence règne, on se sentirait presque bien.

C'était sans compter sur le ptit frère. Il tire méchamment sur mon nouveau jean (dont il risque d'agrandir les trous savamment étudiés, mais allez lui faire comprendre! Il fait comme s'il s'en fichait) en me regardant avec de grands yeux tristes et en poussant quelques plaintes appuyées. En fait, c'est supposé m'attendrir. Afin qu'il ne commence pas à pleurer, je suis ses fesses rebondies. Qui me mènent... à sa chambre.

La porte grince froidement. Voici l'antre du benjamin. Gloups. Des peluches, des livres pailletés, une veilleuse Oui-Oui... La nature se fait hostile. Je rentre, doucement, un pas, puis l'autre, ne pas se montrer craintive. Le petit, tétine en bouche, tire sur mon petit doigt et me désigne un livre de son index tout boudiné. Arf. En langage enfant, cela signifie qu'il veut un livre. Si si. Je l'affirme d'expérience.

J'en prends un au hasard et lui tend. Il attend. Moi aussi. Il me regarde. Je soupire. Il court vers son lit (c'est tout relatif, il crapahute plutôt, se dandinant dans sa couche épaisse), grimpe difficilement, s'allonge. A gauche Doudou surveille, à droite Lapin me toise. Gardes du corps méfiants. Je m'approche, l'air étonné, essayant de comprendre. Il faut que JE lui lise l'histoire. Alors ça c'est la meilleure! Il n'a qu'à apprendre à lire! Paresseux !! Le petite chigne, trépigne. Je sens les pleurs arriver, et pose rapidement un coin de fesse sur son lit. J'ouvre le livre. Il veut également voir les images donc je dois commenter chaque phrase d'un "Regarde là..." ou un "Oh! Tu as vu?"... Heureusement je tourne les pages 5 par 5, le livre est rapidement terminé. Et alors qu'il contemple béatement la couverture colorée, je file en douce. Ouf! Mission accomplie!

Sur la pointe des pieds, je passe devant la chambre des deux autres le plus discrètement possible. C'était sans compter sur le doudou du petit dernier sur lequel je glisse allégrement. Je parcours le couloir en moins d'une seconde, et me retient de justesse à la rambarde de l'escalier. Mission périlleuse. Le propriétaire de l'engin de mort, réveillé, se met à hurler à pleins poumons. Mamaaaaaaaaaaaaaaaan! Ah là je vous vois sourire, on a tous connu ce moment terrible. J'y vais... J'y vais pas... Allez je suis trop bonne, mon grand coeur m'incite à aller le voir.

Debout dans son lit à barreaux, il me regarde, ébété. Et non, c'est pas maman, c'est juste la gourde qui te sert de Cerbère pour la soirée! Je le prends à bout de bras, le lève rapidement et le descend avec moi. A peine arrivée dans le salon, je suis horrifiée de voir les deux autres, tout sourire, en train de regarder Shrek 2. Absorbés par les tirades interminables de notre ami l'Ane, ils ne me voient pas déposer nonchalemment le bébé dans son parc. Aucun ne parle, aucun ne pleure, aucun ne bouge. Bénédiction!

Je file dans la cuisine, m'asseois au bar, sur un tabouret trop haut, décapsule un Coca Light et ouvre mon Marie-Claire. "Se faire la permanente du siècle avec des rouleaux de Moltonel"... page 38. Koule. Repos du guerrier. J'entends Shrek roter, le prince homo-refoulé cancaner (pas le mien, celui de Princesse Fiona) et l'Ane papoter. Tout va bien. Je contrôle.

Après à peine 2 minutes de lecture intensive, je vois 6 petits pieds potelés autour de mon tabouret. Je suis cernée. Les trois mousquetaires se mettent à hurler (on dirait une sorte de canon, comme lorsqu'on chantait Frère Jacques à l'école). Mayday! Mayday! Je les cale rapidement sur leurs chaises. J'ai l'impression d'être Boucle d'Or face à trois ours maléfiques. Gloups! Que faire, que faire, que faire ??? Je sors des Petits Gervais et trois cuillères rondes. Ils se battent tous pour avoir celui à la fraise (mais si mais si, banane c'est pareil, c'est de la fraise qu'ils ont colorié en jaune, c'est pour de faux!) et après un combat acharné je finis par répartir les vivres. Ouf!

Et là se produisit la chose la plus extraodinaire, miraculeuse, fabuleuse qu'il m'ait été donné de voir. Tous se turent, comme happés. Ils regardaient leurs reflets dans les cuillères, hypnotisés. Et pendant au moins... 10 min, j'ai eu la chance de connaître un pur instant de nirvana. Envoûtés par leur image distordue, retournée et déformée, les petits monstres ne pensaient même plus à me martyriser. Une seule solution à la crise : la cuillère. C'était si simple! Mattel, Pixar et les jouets de la Chine entière ne pourraient jamais rivaliser! Ce fut la révélation!


A mon kit de survie de Babysitting, déjà composé de plusieurs plaquettes de Doliprane 1000mg, de boules quiès et d'un portable à la batterie chargée, j'ai ajouté un stock de couverts. Et, mieux armée que jamais, je me sens désormais prête à affronter tous les enfants à venir. Même pas peur! Je dégaine mes cuillères...

18 mai 2006

Tous Alien(é)s

Quand j'étais petite, on me disait toujours : "les garçons naissent dans les choux et les filles dans les roses". Ce ne fut que bien plus tard que j'appris la triste vérité : les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus. Surprise ! Comment deux peuplades si éloignées avaient-elles fait pour atterrir sur la même planète, y rester et y cohabiter? Mystère de la vie.

Ainsi, nous ne serions pas faits de la même chair. Comment trouver son âme soeur alors? Cette nouvelle doctrine insistait sur le fait que les hommes et les femmes ont en eux, de façon innée, des schèmes bien spécifiques. Doute. Ou peut-être est-ce juste une vague connerie, un mensonge médiatique qui permet aux gens de se déculpabiliser, de se convaincre que leurs erreurs, d'une façon ou d'une autre, étaient inscrites. Non pas dans les gênes, mais dans un livre édité à plusieurs millions d'exemplaires. Et s'il y a bien une chose plus sûre que la science, c'est l'influence des médias.

Je n'ai jamais cru en cette théorie simpliste. Je veux bien croire au Père Noël, à la petite souris, ou encore aux bienfaits d'Actimel si ça m'est remboursé... mais pas à ce bouquin. J'ai toujours pensé que les rapports conflictuels qu'entretenaient les hommes et les femmes étaient dus à la relation de séduction. Je ne parle pas ici de celle, inconsciente et omniprésente, qui a pour but de convaincre tout interlocuteur, quel que soit son âge, son sexe, que nous sommes aim-able. Besoin d'amour et de reconnaissance qui initie chacun de nos faits, chacun de nos sourires.

La relation de séduction que j'évoque ici est celle que nous entretenons, de façon plus ou moins explicite, avec "ceux de l'autre sexe". Le mot est lâché. Le problème n'est pas dû à l'autre, mais à la façon dont nous le comprenons, le cernons, le rêvons.

Mais ces livres, bien-pensants, qui nous permettent d'éviter de trop réfléchir, connaissent un succès retentissant. Ainsi nous les lisons, les croyons et partageons tous la même idéologie, en bons moutons de Panurge que nous sommes. Chic! Revoici notre amie la relation de séduction. Pas besoin d'apprendre de ses erreurs lorsqu'un livre nous décharge de tout fardeau : nous sommes différents de façon intrinsèque. Han tout s'explique (visualisation : petite loupiotte au-dessus de la tête de Juju) ...

Ou alors peut-être pourrions-nous ouvrir les yeux, nous regarder dans le miroir et constater que nous ne sommes pas incompatibles. Peut-être pourrions-nous arrêter d'avaler des couleuvres. Peut-être pourrions-nous réaliser que c'est ce genre d'ouvrage qui nous conditionne et nous amène à ancrer bien loin dans notre inconscient ces schèmes caricaturaux et réducteurs : les femmes sont bavardes, les hommes ne pleurent pas puisqu'ils sont incapables d'exprimer leur sensibilité (coeur et glandes lacrymales rigides, que voulez-vous!), nous ne serons jamais d'accord, les femmes souhaitent un foyer et les hommes ne cherchent qu'à conquérir... blablabla ...

Et alors qu'une stratégie commerciale nous donne l'impression de théories d'une modernité indiscutable, de révélations, nous ne réalisons pas qu'il aura suffit aux auteurs de mettre noir sur blanc nos échecs (et nous affirmer que nous n'y sommes pour rien) pour se penser enfin compris. Nous ne constatons pas l'aspect régressif de tout cela, nous nous rassurons dans ce qui nous détruit.

Alors j'ai décidé de continuer à croire que nous venions des mêmes ventres, et au lieu de m'installer dans de confortables excuses, j'essaie d'aller de l'avant. J'aimerai Prince et nous serons en totale harmonie, ou au moins assez compréhensifs pour le croire. Et lorsque Vénusiennes et Martiens aurons regagné, dépités, leurs planètes respectives, Prince et moi rêverons d'un monde où hommes et femmes ouvriraient enfin les yeux et comprendraient. Et partout se baladeraient des couples sereins, rassurés de savoir que l'autre est un semblable et que le challenge est de le comprendre, pas de le blâmer.

Le mot Vénus ne nous rappellerait qu'une vieille chanson et les Mars de délicieux instants. Et si un jour, dans votre télescope, vous voyez deux peuples bien seuls, un rose et un rouge, en train de bouder, vous saurez combien certaines lectures sont à déconseiller.

PS : Je suis mauvaise langue j'avoue. Ce livre peut quand même servir à caler un meuble, et oui Prince n'a pas de CAP de menuisier.

17 mai 2006

Il était une fois ... ceux qui dansaient par deux


Me voici à l'aube de ma prochaine vie. Venez donc vous joindre à moi, les soirées en solitaire ne sont plus de mon âge, cela fait bien lontemps que la solitude ne fait plus résonner entre mes murs que le silence des absents. Asseyez-vous donc face à moi, dans ce fauteuil usé par l'amitié, et laissez-moi vous conter quelque chose que vous ne connaîtrez jamais.


Le temps d'ajuster mon monocle au creux d'une des vagues de vieillesse qui ondulent sous mes yeux, je me cale confortablement et je suis à vous. Voici donc votre visage. Qu'il est serein... L'histoire que je vais vous raconter est tout à fait authentique et concerne des jeunes personnes ayant à peu près votre âge. Les recherches éthnologiques que j'ai menées au cours de ma vie, et qui me valent aujourd'hui cette renommée indiscutable, ont offert à mon esprit plus d'enchantement qu'aucun livre de Grimm. Mais peut-être prendrez vous une tasse de thé? Et laissez moi vous conter...

Il existait un pays, il n'y a pas si lontemps que cela d'ailleurs, où ceux qui s'aimaient dansaient à deux. Je vois votre sourcil se lever, votre front lisse se crisper et votre bouche se faire boudeuse. Croyez-moi. Ils dansaient à deux. Coutume on ne peut plus étonnante me direz-vous. Comme je vous comprends. Il m'a moi même fallu bien du temps pour accepter cette conception de la vie que j'avais, sous forme de souvenirs oubliés, là sous mes yeux.

Les jeunes gens avaient pour curieuse habitude ce qu'on appelait alors "la cour". Tout d'abord le jeune homme croisait le regard d'une jolie enfant. Il en tombait fou amoureux. La coutume de l'époque ne lui permettait pas d'aller directement la voir et lui proposer une nuit d'amour. Loin de là. Longtemps il la regardait, admirait ses cheveux bouclés, retenait chaque molécule de son parfum au plus profond de son coeur et rêvait de ses chevilles blanches.

Un jour cependant, poussé par la force de cet amour encore secret, il se présentait à ses parents. Dans ce pays, les enfants étaient élevés par les parents qui leur inculquaient ce qu'ils appelaient "éducation". On pense pouvoir dire aujourd'hui que la notion d'école n'existait pas. Sinon à quoi bon?... Il était important pour le jeune épris de montrer patte blanche et d'être en bons termes avec les parents, et notamment le père (considéré alors comme "chef" de famille) avant d'accéder au coeur de la demoiselle.

Si cette rencontre se passait bien, et dans ce cas seulement, le jeune homme pouvait commencer sa "cour". Le rituel parental est, je le vois à votre visage, bien étrange en effet, mais peut-être le père devait-il se rassurer en trouvant à sa fille chérie un homme qui lui ressemblait. Non pas à la fille, ne soyez pas idéaliste, mais à lui-même, ou plutôt ce qu'il pensait être. Pardon où en étions-nous? Ah oui, la cour...

Le jeune homme arrachait des plantes afin de les offrir à sa bien aimée. Celle-ci, énervée par un geste si peu écologique, faisait rougir ses joues pour lui montrer sa colère. Elle acceptait cependant l'herbe colorée, par politesse, mais punissait le jeune homme d'un baiser sur la joue. Humilié, il baissait la tête et se dandinait bizarrement. Pendant des semaines, les deux jeunes gens se fréquentaient. Ils allaient se promener, se tenant parfois la main lorsqu'ils étaient seuls. Ce rituel consistait certainement à empêcher l'autre de fuir ou à pouvoir se retenir en cas de chute. On appelait cela "se reposer sur l'autre".

Et puis un soir il l'emmenait au "bal". Il s'agissait d'une réunion de la communauté visant certainement à présenter son reposoir amoureux aux autres. Et le couple dansait. L'un contre l'autre. Je vois votre regard sceptique. Cette coutume complétement inutile est assez unique. Aucune peuplade qu'il m'ait été donné d'étudier ne présentait cet us. Le jeune homme serrait l'objet de sa convoitise contre lui, assez près pour se tenir chaud, mais pas trop afin de ne pas énerver le père qui a placé en lui une confiance... retenue. Leurs doigts s'enlaçaient, ils regardaient les lobes occulaires de l'autre, pensivement, sans mot dire, et se balançaient, de gauche à droite, langoureusement.

Lorsque la musique ralentissait, le couple se dandinait plus lentement, tel un métronome amoureux. On suppose d'ailleurs que le monument métallique étrange qui trônait dans leur capitale était un hommage au métronome, nous ne voyons pas d'autre explication à cet édifice insolite. Et ils restaient là des heures, tangant au rythme de leurs envies, occultant le monde qui les entourait.

Un peu plus tard, l'homme partirait à la "guerre", concept étrange où des hommes créaient des machines avec lesquelles ils détruisaient les terres qu'ils voulaient leurs. Ils y gagnaient un territoire détruit, sur lequel ils ne pouvaient habiter, sujets d'une communauté appauvrie. Ils cherchaient sûrement une forme d'Eden, ce qui leur procurait une insatisfaction latente les amenant à conquérir d'autres territoires. La jeune fille souvent l'attendait, patiemment. Mais le jeune homme ne reviendra pas, hâpé par sa mission, ses ennemis ou les globes occulaires d'une autre.

Mais contre leur ventre ils gardaient à jamais la chaleur de la danse à deux. Lorsque la mémoire leur faisait défaut, le corps réchauffé n'oubliait pas. La jeune fille pleurait beaucoup, jusqu'à ce qu'une larme coule à son nombril, et refroidisse ce creux de souvenirs.

Je vois votre visage songeur. Si je vous parle ce soir de cette coutume perdue depuis bien longtemps, ce n'est absolument pas pour aiguiser votre curiosité et faire de ce rite un phénomène étrange. Je voulais juste ne pas être la dernière à savoir qu'un jour, quelque part, des amoureux se sont accollés et ont su se réchauffer avec l'innocence de la pudeur. Ils ont su prendre le temps de se mouvoir comme un métronome, oubliant les secondes que leurs pas dessinaient sur le sol.

Je ne crois pas avoir un jour été aussi touchée que par cette découverte. Peut-être aurions-nous énormément à apprendre de ces peuples défunts. A commencer par l'abandon de soi sur quelques notes...

15 mai 2006

Lost, les disparates

Quinze ans avant la déferlante Lost, je jouais déjà avec mes copines, lorsqu'on dormait les unes chez les autres, à répondre à la question fatidique : si tu devais amener avec toi 3 choses sur une île déserte, lesquelles seraient-elles qu'elles sont? (en même temps, à 8 ans la grammaire c'est pas encore ça)

Déjà je tiens à souligner à l'inventeur de ce jeu (appelons-le Franz, c'est bien un nom d'inventeur) que son principe de base est assez idiot, voire ironique. Blotties dans nos sacs de couchage en plume, lovées par la chaleur électrique, dans l'attente de la sonnerie du réveil Sony, nous nous posons une question absolument existentielle!!!! N'est-ce pas? Non?... Bon...

Alors en mâchouillant nos schtroumpfs chimiques et nos oeufs gélifiés, nous réflechissions intensément à cette question dont tout le monde se fout. Jack, Kate et Sawyer ont-ils eu le temps de se dire "Tiens tiens je ferais bien un atterrissage d'urgence sur un île sauvage! Et si j'emmenais mon cd des N*Sync et mon poster grandeur nature de Jenna Jameson!" ? J'en doute. Mais bon supposons. J'atterris contre mon gré (mais terriblement prévoyante) sur une île déserte... A chacun sa conception de la situation...

Les pragmatico-pratiques : un stérilisateur d'eau, un couteau suisse et une pierre allume feu. Les Jack pensent à tout, prévoient et calculent. Ils organisent leur survie comme une opération compliquée, envisagent le long terme comme une valeur sure. En gros, si vous devez amener une chose sur cette fichue île où errent tous les enfants de 8 ans de la planète, prenez un Jack dans votre poche.

Les parano-stockeurs : un big brown bag, un stylo et une calculatrice. La survie réside dans l'amas d'objets aussi divers qu'insolites qui pourront peut-être un jour être sources de troc. Le Sawyer liste, calcule, recense et trie. Il est le hamster des temps modernes, l'épicier Olson qui manque sur l'île.

Les stratégeo-militaires : une tente kaki, un opinel kaki et un harpon kaki. La survie est une lutte, votre environnement est votre ennemi, banzaaaaaaaaaaaaaaï ! Le Locke se lève aux aurores, rampe seul sur la plage et revêt des feuilles irritantes pour mieux se camoufler. Comique à regarder, mais difficile à vivre. Il est la rigueur de l'île ondulante.

Les fugitivo-rebels : une arme, un gps et un dico multilingue. Toujours à l'affût, les Kate n'ont pas l'esprit tranquille et se méfient de tout, à commencer par elles-mêmes. Flexibles et réactives, elles se faufilent, changent et troublent. Elles sont sur l'île comme elles seraient ailleurs : aux aguets.

Les blondo-potaches : un vernis pailleté, une pince à épiler et un lisseur céramique. Ne vous inquiétez pas, la Shannon ne réalisera qu'au bout de 6 semaines qu'elle n'a nulle part où le brancher. Ca aura occupé son temps car même ici elle est o-ver-boo-kée! C'est l'anti-Jack. Mais elle rassure, on se sent toujours mieux armé qu'elle.
Peut-être à tort.

Tout ça pour dire que je ne sais pas ce que j'emmènerais. Une édition de poche de Robinson Crusoë (et oui, à qui pourrais-je m'identifier désormais)? Mes proches (soyons sadique) ? Un ipod (que la blonde rechargera en attendant que la foudre s'abbate sur sa pince à épiler) ?

Aucune idée! Mais j'aime prendre un air inspiré et faire comme si mes réponses allaient influer sur le reste de ma vie. Oui, j'ai du temps à perdre. Enfin, si vous voulez mieux que cet article, TF1 nous relance Lost avant d'avoir droit aux footeux. Oui je sais, la saison 1 on l'a vue mais en même temps je ne m'appelle pas Laroche-Joubert.

Tiens, elle emmènerait quoi elle?...

Un peu d'amour, Papier velours...


12h57. Je rentre mollement de ma demi-journée de boulot au cours de laquelle j'ai vainement essayé de me réveiller. Mission Impossible. A en faire pâlir Tom. Clé. Serrure. Boîte aux lettres. Tiens, pour la beauté de la chose, imaginons que j'ai une de ces boîtes aux lettres américaines situées à 500m de ma porte d'entrée, avec pour ouverture un pont-levis métallique. Le ptit bidule (si quelqu'un en connaît le nom, merci de m'écrire) est levé : j'ai du courrier.

Facture, pub Pizza Hut, lettre de la banque, pub Auchan... Tiens, un mot! Pas de ces lettres amoureusement léchées et coiffées d'un timbre Boule et Bill. Juste un petit papier plié. Hum Hum. Un voisin mécontent?...

Me servant des dépliants publicitaires pour caler mes paupières en position "lecture", j'ouvre délicatement le petit morceau blanc. Et je lis. Je vous ai croisée plus tôt. J'aimerais vous connaître. Stupéfaction. Je regarde bêtement autour de moi (peut-être ont-ils inventé la téléportation cette nuit, sait-on jamais). Rien de tel pour attiser ma curiosité.

Arrivée chez moi, je jette nonchalamment mon courrier sur ma table basse, et je m'asseois (ou plutôt je m'affale, mais j'aime vous faire croire que j'ai un minimum de classe). Je regarde fixement le carré blanc. Cupidon aurait-il daigné lâcher son Babyliss spécial boucles pour déposer de ses doigts potelés ce petit mot chez moi? Le doute se fait doux.

Serait-il possible que le simple fait de m'avoir croisée puisse éveiller en Prince des désirs inavouables (non, pas le fabriquant de biscuit se baladant en collants, mais Prince Charmant) ? Rapide coup d'oeil dans le miroir. J'en doute. Affalée dans mon salon, les cheveux en bataille et le regard terne, Prince me paraît bien peu exigeant. Ma foi tant mieux, voilà peut-être toute sa modernité.

D'hypothèses en suppositions, je me transforme (telle madame Mim) en Juliette. Non, pas celle de William. Celle d'Hugo. A la pension des Mimosas. Cette Juliette là à qui il n'osera jamais avouer son amour brûlant, ravageur et absolument inconditionnel. Quoique, je n'ai pas dû voir la dernière saison. Peu importe. Prince se fait secret, tendre et innocent, ami fidèle dont on ne soupçonne les sentiments. Hélas peu probable.

Puis je deviens Mary. Cette belle blonde inaccessible dont tous les hommes sont fou amoureux et désirent le coeur à tout prix... Encore faudrait-il que je me pare d'un chien moche et toxicomane, ainsi que d'une voisine ressemblant à Lara Flynn Boyle en vieille. Prince se fait pervers, obsessionnel et acnéique. J'ai peur.

Je bondis et deviens Duchesse. Féline, aguicheuse et cajoleuse, je dompte le regard des plus rebels. La finesse de mes gestes séduit les caractères les plus forts, mon roucoulement grâcieux enivre et soumet. Prince se fait fier, indépendant et sort ses griffes. Fuyons.

Retombant sur mes pattes, je me fais Belle. Bien indigne est celui qui me convoite, inavouable est son dessein. Son regard est dur d'amour et violent de passion. Prince se fait laid, agressif et frustré. J'esquive.

Ma silhouette se coule et se fond en Carrie. Indépendante, active, épanouie et entourée, je suis celle que l'on n'ose approcher, comme ces fleurs qu'on respecte trop pour les cueillir. Mister Big me regarde, me juge, m'aime et me craint. Se craint. Prince se fait distant, froid et inavoué. Je soupire.

Fixer le petit mot ne me mènera à rien. J'ai bien mieux à faire. La journée s'écoule et le sablier recouvre doucement le bout de papier que je plie en 8 dans un coin de ma tête. La nuit est douce, je suis Scarlett dans les bras de Rhett, oubliée et magnifique.

Le lendemain, de nouveau face à ma boîte aux lettres (attention visualisation : boîte américaine, pont-levis, petit bidule levé), j'entends une voix grave et éraillée me héler. Diantre, Prince est drôlement plus testostéronisé que je le supposais. Je me retourne et fais face à un jeune homme malingre, aux cheveux longs et gras, parfumé à la Bud, aux bras tatoués et aux joues piquantes. Je regrette ma boîte aux lettres. Prince est-il si différent de ce que j'avais imaginé? Ne devrait-il pas apparaître dans un flot d'étincelles et sous une lumière savamment tamisée (mais que fait le personnel technique?!) ? Un petit oui? se coince dans ma gorge.

Avec un sourire forcé il me demande si cette boîte est bien la mienne. Un second oui s'accroche à mes cordes vocales. Et le voilà qui s'excuse de s'être trompé de boîte, il pense m'avoir remis un mot qui ne m'était pas destiné. Un mot? Quel mot? Ah ce mot? Oh, je l'avais à peine lu.. Il disait quoi déjà? Ah oui. Je savais qu'il n'était pas pour moi voyons. Et je ris jaune (ce qui est plutôt bien assorti aux dents de feu Prince). Il s'en va lentement en faisant traîner ses pas dans le couloir (je rêve ou il est en chaussons?!).

Ainsi ça n'était pas encore Prince. Tant mieux, il restera alors ce bel étalon d'une perfection unique à laquelle je pense chaque seconde, comme si elle était déjà mienne. J'aurais dû m'en douter. Prince n'est pas de ceux qui écrivent un mot; il aurait été là, m'aurait regardé et j'aurais su. Il aurait souri d'une façon éblouissante et terrible qui n'aurait laissé au doute aucune chance. Je grimpe les escaliers quatre à quatre, riant de ma propre naïveté et tombe nez à nez avec mon voisin du deuxième. Tiens, je ne le connaissais pas. Je lui souris et continue timidement mon chemin. Je pose mon courrier sur la table basse, déchire un coin vierge d'une page de mon Télé 7 jours et prends un stylo. Je vous ai croisé plus tôt. J'aimerais vous connaître...

13 mai 2006

Tombe la pluie...


J'aime les soirs de pluie. J'ouvre ma fenêtre, l'air est vif et me réveille, une toile noire se dessine autour des immeubles. Tout le monde a au-dessus de sa tête cette même couleur de nuit. Je n'ai jamais autant l'impression que le monde vit. Ca peut paraître paradoxal, mais la pluie crée un mouvement de foule, les troupeaux humains se réfugient dans leurs antres, et la ville attrape la varicelle : pullulent partout des carrés de lumière.


Les gens s'agitent, vaquent à leurs occupations, des silhouettes découpées se hâtent et se jouent. Et je vois le monde vivre. Je sens son coeur battre, doucement, régulièrement. Ses cheminées ronflent, ses rideaux se soulèvent, le flot rouge de ses rues ralentit, et stagne. La vie émane de ses vicères.

Je me poste derrière la vitre, mes mains enlaçant une tasse chaude. Je regarde les gens vivre. J'ai souvent du mal à imaginer que chaque personne a une vie. Ca peut paraître bête dit comme ça, mais on oublie souvent de prendre en compte le fait que les autres aussi se lèvent, s'endorment, ont des amours, des amis, une couleur préférée et ont soulevé un jour leur oreiller pour y trouver un cadeau de la petite souris. C'est vertigineux.

Des points de lumière apparaissent. Certains clignotent. C'est tout un langage : un feu s'allume, une enseigne lui répond, mais si brutalement que le feu s'éteint. La lumière de l'enseigne vrille légèrement et se meurt. Je n'ai pas compris ce qu'ils avaient à se dire. J'aimerais pouvoir communiquer ainsi.

Je dirais à cette femme en face, aux cheveux gris retenus par une broche métallique qu'elle a le visage doux. Elle se berce doucement sur son siège, comme un enfant cherchant la tendresse du mouvement. Je murmurerais à cet enfant qui pleure et ne s'endort pas que même si tout s'éteint autour de lui, les choses ne changent pas, qu'il peut fermer tranquillement les yeux, le monde ne cesse pas d'exister lorsqu'il dort. J'avouerais à ce chat qui fait sa toilette que ses yeux en amande m'hypnotisent, que son dédain apparent n'en attire que mieux ma tendresse. Et je chuchoterais à cet homme que son visage d'enfant qui pleure sans verser une larme est touchant et qu'il ne doit pas en avoir honte. Les sourires ne masquent pas tout, et comme la nuit révèle la vie, les sourires constants mettent en lumière les yeux tristes.


Et, petite cellule que je suis, je m'assoupis, la tête contre le carreau. Je serai ce soir de ces petits carrés noirs qui n'osent révéler leur histoire. Je me réveillerai, ma tasse sera froide, ma joue glacée, et les sources claires auront disparu. Les lumières ne communiqueront plus, les cellules s'affaireront et réveilleront l'organisme endormi. La pluie aura lavé la peau salie par les pas. Et j'attendrai patiemment la nuit suivante, pour écouter à nouveau les ampoules parler.

Dessine-moi un nuage...


Le ciel est gris, aveuglant, l'air humide et les minutes longues. Courant vainement après un bus qui ne s'arrêtera pas, les cheveux frisottant, mes paquets à la main (pourquoi font-ils toujours des poignées qui scient les doigts?!), je m'asseois sur un banc aux planches putréfiées, à 50 cm du sol. Et j'attends, le nez froncé par la clarté du paysage.

Franchement, nous sommes samedi, le temps pourrait être radieux, les gens souriants, les gambettes de sortie et les marchands de glace ouverts. Le vague à l'âme, je me tourne vers l'autre côté du banc, encore vide il y a quelques secondes. L'air sent bon et je vois Grosbisou assis à côté de moi.

Mais si, souvenez-vous, ce bisounours brun avec un gros coeur rouge au milieu de son ventre blanc rebondi. Et je souris. Quand j'étais petite, je croyais vraiment en eux. Il n'y avait pas Dieu au-dessus des nuages, il n'y avait pas le paradis. Au-dessus des nuages, vivaient les bisounours. Et cette idée m'étais totalement naturelle. Grosbisou me sourit, se décale contre moi. Il fait bon chaud.

Avec eux veillant sur moi, tout était plus simple. Il y avait les bons : Groschéri, Groscopain, Grosjojo... On les connaissait en un clin d'oeil, sur leur ventre tout rond, ils annonçaient la couleur. C'était simple. Bien sûr face à eux les méchants (Bestiole notamment), mais cette vision manichéenne était toute relative, l'amour émanant des bisounours leur permettait à chaque fois de vaincre les nuisances extérieures. C'était bien.

Je ne me souviens plus du moment où j'ai cessé de croire en leur existence. A un âge où la raison gomme les nuages et remplace les oursons par des pseudos collégiens de 25 ans qui s'échangent des baisers à la cafét'. Moi je préférais les bisous. Grosbisou grimpe sur ma cuisse, je ris toute seule.

Alors j'ai été prise de doutes. Qu'y a-t-il au-dessus des nuages? Un monde où le bien et le mal ne se mesurent pas au bisoumètre... Peut-être rien. Je me sens libre. Peut-être tout un monde. Je me sens protégée.

Où est-il ce monde où les routes sont des arc-en-ciels et où le soleil reste présent, caressant, mais jamais nuisible?... Les étoiles ne sourient pas, les coeurs ne sont pas les fruits d'arbres toujours verts, et les nuages ne sont que du gaz. Je grandis. Et le ciel n'est plus qu'un vaste morceau de papier-peint, une peinture changeante, le plafond de ma chapelle. C'est joli. Mais c'est plat.

Et j'apprends. Les bons ne gagnent pas toujours, il ne faut pas se promener en souriant et en disant bonjour à ceux qu'on croise, les gens ne prennent pas le temps de regarder le dessin que l'on a sur le ventre. Johanna est amoureuse de Cricri même s'il a fait des choses avec Nathalie. Maman, c'est quoi "faire des choses?"... On le dit pas ça dans les Bisounours. Grosbisou s'endort sur moi, il ronronne. Et moi aussi.

En oubliant les bisounours, mon ciel est devenu blanc et le soleil me rend rouge. Je cueille des pommes à défaut de coeurs, et je fais des grimaces aux enfants, seuls ceux qui croient encore aux bisounours peuvent rire avec autant d'abandon.

Le bus arrive, je serre Grosbisou contre moi et le dépose dans mon sac, lové contre mes affaires. Le temps se couvre, un nuage puant s'élève du bus, les gens se bousculent pour monter, le chauffeur ne répond pas à mon bonjour. Grosbisou ronronne toujours, et une mamie me dévisage durement en pensant que j'ai oublié d'éteindre mon lecteur mp3 et qu'on entend tous les boum boum (ah ces jeunes!). Seul un enfant regarde mon sac avec tendresse. Car lui il sait. Et, du fond du bus, traversant les visages maussades, les vestes mal boutonnées et les bougonnements des impatients, il m'envoie précautionneusement un Gros Bisou. Je suis sur un petit nuage.

12 mai 2006

Aime & Aime's

Les plus maniaques d'entre vous se souviennent sûrement du court métrage "Foutaises" (1989) de Jeunet, au fil duquel on suit les tribulations de Dominique Pinon et ses "j'aime, j'aime pas". Un prélude croustillant à Amélie et sa petite cuillère. Une vision plutôt fine des choses, puisque nos goûts sont les interfaces qui permettent aux autres de supposer ce que nous sommes, ou pas. Des millions de facteurs que nous créons et qui nous font exister, des tonnes de probabilités pour définir une personnalité.

C'est vrai c'est réducteur. Mais difficile de se définir. Dire "je suis comme ci, comme ça" est sûrement l'analyse la moins objective que nous ayons de nous-mêmes. A travers la divulgation de nos préférences et manies, nous offrons aux autres une palette à partir de laquelle ils se font une opinion.

Je me jette à l'eau...

J'aime les boîtes de toutes les couleurs, l'odeur du poulet rôti en bas de chez moi, les orages quand je suis tranquillement au sec, l'odeur du sol quand il a plu, mettre des couples de cerises en guise de boucles d'oreilles, sortir un pied de sous la couette quand j'ai trop chaud, la façon appliquée dont ma maman dessinait des maisons avec un couteau à beurre sur mes tartines de vache qui rit avant de partir à l'école, me faire la barbe de Jefferson avec la mousse du bain, la voix suave de Frank Sinatra, enlever l'étiquette des Flambys, regarder les visages tordus de ceux qui essaient de retenir un baillement, l'odeur des oignons, les coussins, appeler "minous" les animaux qui m'attendrissent, le craquement des pages d'un vieux bouquin, les trucs moches, les gens qui ferment les yeux quand ils rient, les paresseux qui glandouillent dans les arbres là bas quelque part, les mirabelles aux joues roses, le chant des grillons, les tourbillons de poussière dans les rayons de lumière, les chaussettes dépareillées, les bisous sur les paupières.

J'aime pas les vers de terre, les billets de banque rescotchés, les fruits confits dans les cakes, la sonnerie de mon réveil, le générique d'Histoires Naturelles, l'opercule doré sur les pots de Nutella, les choses impaires, quand ça me pique sous le pied, l'obscurité, ne pas comprendre une blague et faire comme si, avoir le bras tout engourdi au milieu de la nuit, faire des fautes, les larsens, les gens qui parlent fort, le papier de verre, les films mal doublés, la Danette au chocolat, mo-mo-motus.

Maintenant que vous me connaissez par coeur, laissez ici quelques-uns de vos "j'aime, j'aime pas". Qui sait, si vous devenez célèbres un jour je pourrai toujours divulguer ces données et partir au soleil tous frais payés. Pensez à mon bronzage, merci d'avance!

10 mai 2006

On s'était dit rendez-vous...


Je ne sais pas si j'ai été la seule mardi 02 à mater d'un oeil amusé "dix ans après" sur Meuh6, mais je fais le résumé pour les absents (bonne âme que je suis) : la prod' a réuni des copains de lycée dix ans plus tard pour leur faire passer ensemble quelques jours, raviver les bons souvenirs et voir ce que chacun est devenu.

Bon sincérement ce n'est pas le programme lui-même qui mérite vraiment de l'intérêt. Entre Beau gosse devenu médecin en Guyane, la pin-up du lycée top fashion méga inaccessible (qui vit aussi en Guyane, à 20 minutes de chez Beau gosse, dingue hein! Ben oui, c'est Meuh6, fallait pas s'attendre à plus fin), le complexé ayant su exploiter ses talents de comique de la classe pour devenir comédien, l'aristo coincé qui, après un revers dans sa vie professionnelle a arrêté de se prendre pour Louis-Philippe, les fameuses bonnes copines et le caïd du lycée... C'est du Loft Story tout craché, si peuuuu caricatural. On a même droit au versage de larmichette lors de la commémoration du décès de leur directeur tant chéri (les larmes c'est super filmogénique, surtout sur Beau gosse).

Mais cette émission a ravivé chez moi un vieux fantasme (mais nan pas Beau gosse, le concept) : savoir ce que sont devenus les potes du lycée...

A quoi ressemble JP sans son acné purulente? Soso et son style goth ont-il réussi à percer dans le métal? Et celle qui mangeait des mines de criterium? Qu'est devenu LE couple bien gnan-gnan qui se roulait des pelles entre deux cours? Et l'intello ayant dû se caser en Hypokhâgne, elle a une vie sociale aujourd'hui?

Bref, plus qu'un réel désir de renouer avec le passé, on avoue une curiosité un peu mesquine qu'on aimerait bien satisfaire! Parce qu'après tout, on est toujours convaincu de ne pas avoir tant changé que ça! Moi, toujours la bonne amie, si drôle, attachante et indispensable aux autres (ben quoi? c'est mon blog, j'y écris ce que je veux!). Finalement c'est pour eux, ça leur ferait du bien de me revoir! Hihihi.

Le souci est : après les fameux "tu deviens quoi? t'es casé, t'as des gosses? tu te rappelles de machin?", difficile de trouver quelque chose à se dire. Alors on pique du nez dans notre verre, ça donne une contenance. Et tout le monde se dira que vraiment, Juju elle a mal tourné...

09 mai 2006

Voyage voyaaaaage


Les beaux jours arrivent, l'air commence à fleurer bon l'été et l'esprit est déjà bien loin de nos bureaux grisonnants. Mais la question obsédante, terrifiante, récurrente est : (tadaaaam, petit effet de suspense)

Où vais-je partir cet été?

Une chose est sure : j'veux du soleil, tout plein de soleil, à en avoir marre! Alors où?...


L'italie et son charme pittoresque? Oh oui j'imagine les grasses matinées dans un joli bed and breakfast, dorée par les rayons doux de Montecatini Terme, le vent chaud à travers les rideaux... Laisser mes yeux tomber amoureux du Palazzo Pitti, flâner sous les palmiers de Palerme, partager amoureusement une gelatto place Navone... Mais l'Italie est églament le meilleur moyen de rentrer célib : ce n'est pas couverte de sueur et de poussière lors de la visite du Vésuve et odorante lors des découverte des puits de souffre que je vais pouvoir rivaliser avec les déhanchements endiablés des italiennes... Je raye!

Oh-straliiiie comme dirait le mari de Lucette. Chaleur, dépaysement... Nager parmi les camaïeux de la Great Barrier Reef, explorer en jeep les grands espaces désertiques, s'extasier devant la silhouette rougeoyante d'Ayers Rock, siroter un cocktail sur la Baie de Port Jackson, gratifier d'un "whaaaahoooou" bien touristique le Harbour Birdge... En même temps, Australie est synonyme pour moi de peau cramée au 56ème degré, de traversée du désert (65°C à l'ombre) dans la cabine du MegaTruck de Joe (qui évidemment a un petit déréglement des glandes sudorales, sinon ça ne serait pas drôle). Et si c'est pour se faire latter le nez par un kangourou parano lors d'une pause pipi, non merci. Je raye!

Ibiza ! Toutoutouuu toutoutoudouuuu ! Fiesta à gogo, rencontres uniques et ambiance
électrique. La fête 24 sur 24, talons hauts, pailles fluo et cocktails inédits. L'oubli total. Regarder le soleil se lever sur Nikki Beach, nager au large d'En Bossa... Le rêve!! Ou presque. Les migraines au rythme des basses, les jambes flageolantes et gonflées (merci la Jouvence de l'Abbé Soury), les flyers qui collent aux chaussures, un msieur-dame sur pilotis qui t'écrase le petit orteil (c'est vicieux de s'attaquer au petit), et la tête de zombie que tu traînes pendant deux semaines en rentrant de vacances, ça le fait moyen devant le boss (et la promotion qui s'envole comme un flyer...). Je raye!

Alors cet été je vais rester chez moi, à regarder les rediffusions d'une famille formidable en me disant "chouette demain je vais bosser, je suis la seule à ne pas être en vacances, je serai toute tranquille, ouaiiiiiis..." No comment. Je m'enraye!

08 mai 2006

Le temps d'un bon DVD

11:14

Patrick Swayze, Rachel Leigh Cook , Hilary Swank, Henry Thomas et Shawn Hatosy. Ca promet!

Une affiche plutôt originale : le tombeur de Ghost, l'intello de Elle est trop bien, le garçon manqué de Boys don't cry, le gamin attachant d'ET et le footballeux musclé de The faculty.

Mélangez tout ça et vous obtenez ... un film décapant.

Un accident (survenant à 11:14, des fraises tagada en cadeau à ceux qui avaient deviné!) va changer la vie de 5 personnes, un domino qui en abaisse d'autres, un montage en boucle retraçant le point de vue de chaque personnage, et des recoupements intelligents.

Un scénario ultra façonné, des personnages bien incarnés et un montage admirable (rien de mieux travaillé à ce niveau depuis Memento).

Je n'avais pas entendu parler de ce film à sa sortie ciné (merci frérot pour l'info) et j'avoue avoir été surprise, il vaut vraiment le détour. Ce film est un puzzle que l'on essaie au fur et à mesure de reconstituer. On nous distille les pièces manquantes au goutte à goutte, on attend, on suppose, on réécrit.

Jubilatoire de retrouver Swayze ridé, Swank appareillée et Hatosy sexysé. Bref je ne vous en raconte pas plus, car 11:14 fait partie de ces films qu'on ne saurait résumer sans dévaloriser. Préparez votre verre, allez aux toilettes et installez-vous bien, vous ne bougerez plus pendant 1h20. Chuuut le film commence!

07 mai 2006

Ju' lit

Le jardin du Bossu

Cet article s'adresse aux plus tordus d'entre vous. Vous aimez les romans à l'eau de rose, les histoires touchantes et les vers mélodieux?
Fuyez !!

Voici un court roman absolument jubilatoire de cynisme, de mesquinerie et de perversion. Vos dents grincent, le sourire se fait abject et l’esprit bien tortueux. J’adore !

C'est l'histoire d'un petit voyou en fin de non-droits mais de bonne mentalité, car basé sur l'idée de gauche, et à qui sa femme a interdit de remettre les pieds à la maison tant qu'il n'aura pas trouvé un moyen de subvenir un peu aux besoins du ménage. Convaincu que le travail, pour peu qu'il ne soit pas trop manuel est une manière comme une autre de restaurer l'amour conjugal, il entreprend de suivre un ivrogne dans la rue, avec l'arrière-pensée de lui piquer son portefeuille.

Le début de l’histoire paraît très classique. Mais l’arnaqueur prend involontairement la place de l'arnaqué : dupé à propre jeu il se voit devenir prisonnier de celui qu’il avait pris pour cible. Séquestré élégamment, enfermé poliment, il va vivre une histoire qui dépasse tout ce qu’il a pu imaginer…

Un roman mordant, tordu comme on les aime et à la fin succulente !! N'oubliez pas votre rendez-vous à confesse dimanche prochain...


Le jardin du Bossu
Franz Bartelt
Gallimard
185 pages
8,00 euros

06 mai 2006

Jeter de la poudre aux yeux

On aime ses couleurs, ses matières et son âme d'artiste. Galerie Noémie est l'aventure dans laquelle s'est lancée une jeune femme il y a quelques années. Un site que j'affectionne tout particulièrement.

Du maquillage doux, aux palettes variées, parfums légers et textures soigneusement étudiées. Cela change du traditionnel CCB qui nous ressert année après année les mêmes produits à peine plus déclinés. Les noms des produits évoquent le domaine de prédilection de Noémie : toile de fond de teint, surcouche de finition ou encore peinture pour les lèvres. On crée ses propores palettes, on se laisse tenter par des produits originaux et par une atmosphère très cosy.

Des produits de maquillage d'excellente qualité, au packaging simple et sophistiqué à la fois et une surprise pour Jules : le Kit-à-Mec qui a dû en faire sourire plus d'une. Composé d'un bâton anti-cernes, d'un gel matifiant, d'un soin contour de l'oeil et de préservatifs, il peut s'avérer une façon fine de faire entrer des soins masculins dans sa salle de bain.


On se sent muse et amusée, cajolée et précieuse. Une beauté qu'on ébauche, sculpte et parfait, le maquillage devient un art! A vos pinceaux!


http://www.galerienoemie.com