Le monde de Juju

21 août 2006

Des vacances Ju'niales, Tome 2.

Me voilà donc arrivée à la ville de tous les rêves, celle qui accueillera au creu de sa main tiède mon humeur vacancière, mère de mon bien-être et d'un repos mérité : la ville de touristes en manque de soleil. Lorsque, comme moi, on habite 10 mois par an la contrée de Far Far Away, où le ciel grisonnant soupire sur ses vieux jours brumeux, notre peau et notre moral manquent cruellement de lumière. Berceau des dépressions hivernales annuelles, ce plafond blanchâtre est tout à coup (enfin après quelques heures de train) réveillé par un baiser réchauffant de mon meilleur ennemi : le soleil.

J'ai toujours joué au chat et à la souris avec le soleil. Amant passionné lors de mes lézardages intensifs sur la côte Méd', époux haït qui me provoque à chaque effusion migraines et brûlures douloureuses, compagnon de vie si tendre lors de mes balades sur les marchés aux légumes du vieux Nice. Le soleil, la mer. Rien de tel pour m'envoyer au visage, comme une claque si lointaine, mes souvenirs d'enfance : la marque du maillot Arena bicolore dos nageur sur ma peau qui se dore, la socca moelleuse et épicée que je laissais fondre sur ma langue avant de l'engloutir dans un hoquet de joie, ma grand-mère épluchant les pommes-de-terre au-dessus du sachet Casino, mon Papy sentant bon l'olive et le vieux tabac, mes dessins aux craies grasses Crayola (qui ont dailleurs toutes fondues sur la plage), mon frère qui s'envole au-dessus des vagues, entourbillonné par un mistral qui décolle son matelas bordeaux et marine de la mer, mon père que je suis jusqu'à la bouée, maman qui démèle mes cheveux, noeud salin géant qu'elle rêve furieusement de raser. Toutes ces parcelles qui tapissent le chemin sur lequel j'aime à me retourner, et qui font que j'ose avancer.

Enfin avancer... encore faudrait-il trouver un fichu taxi. Je me dirige en trottinant vers la file qui leur est réservée, tirant tant bien que mal ma pauvre valise et essayant me garder Grosbisou accroché à ma hanche droite. Comme il est de tradition, je grimpe dans le premier taxi de la file, et lis au chauffeur l'adresse de mon hôtel, mon cocon, mon ventre maternel. Et rien ne me fera perdre ma bonne humeur. Je remarque à peine les poils de chien dont la couverture sur la banquette arrière est maculée, ni cette odeur de vieux grenier dont je m'imprègne, et encore moins la figurine d'Homer qui geint "Doh! Héhé!" en remuant son ventre gras à chaque virage.

30 minutes plus tard : délivrance. L'hôtel se dresse face à moi, grande bâtisse blanche à l'odeur de bois. Un jeune homme se précipite vers moi pour attraper ma valise et je déambule seule dans le vaste hall, titubant à force de fixer le plafonnier vitrifié. Tout est simplement fa-bu-leux! On me conduit rapidement à ma chambre, je m'accoude à la rambarde de bambou entourant la terrasse et fixe au loin l'océan qui ne semble s'étendre là que pour moi. Il y a des instants que j'aimerais partager et des idées que j'aimerais chasser, mais mon coeur en vacances sautille d'impatience et ne se languit que de sable chaud. Je file sous la douche, enfile mon attirail maillot-paréo-aïe-les-kilos-en-trop, m'arme de ma trousse monoï-crème-anti-coups-de-soloï-mini-parasoï, attrape Grosbisou par la patte, dévale les escaliers en manquant trois fois de les manger en marchant sur mon paréo et cours vers la plage.

Par chance, la plage atenante à l'hôtel se trouve être une plage privée réservée aux clients, je suis donc presque seule, impec! J'allonge ma serviette, plante le mini-parasol pour Grosbisou, mets mes affaires à l'ombre et file vers l'océan. L'eau est tiède, les vagues joueuses et l'air vif. Je suis de bonne humeur et je passerai là près d'une heure à m'enfoncer dans les rouleaux d'écume, faire la planche et me laisser dériver, la tête vide. Fatiguée, essoufflée, amusée et infantilisée, je rejoins ma serviette. Grosbisou compte les grains de sable et je décide de m'allonger et de bouquiner un peu. Je sors mon dernier livre et tourne doucement les pages dont les coins se soulèvent sous le chatouillement du vent marin.

Soudain, un homme me caresse lentement le bras. J'ouvre les yeux et Marc Lévy se penche sur moi. Il me prend la main et me voici à Londres, déambulant avec lui sur Portobello Road. Il me couvre de cadeaux, m'avoue timidement qu'il m'aime et que son prochain livre ne parlera que de moi. Je suis grisée, envoutée, magnétisée par ses tempes brunes et sa barbe naissante. Et alors que nous marchons main dans la main dans les rues londoniennes, un douleur me lance dans l'épaule. Des coups de poignards! A l'aide! Au secours! Marc n'est plus là! Ouh que j'ai mal! J'espère qu'Agatha fera de ce crime un best-seller. A moi! Aïe aïe aïe!

Aïe, aïïïïe... Grosbisou me tapote l'épaule, le regard inquiet. Je me suis endormie. Le vent commence à se faire frais, les pages de mon livre dansent violemment dans un bruit de claque sèche, le soleil est bas. Je me relève rapidement et me rends compte de l'étendue des dégats. Je suis aussi rouge qu'un homard trop ébouillanté. Et mon maillot qu'on-bronze-à-travers-top-top n'a laissé de répit à aucun centimètre carré de ma peau. Tout mon corps est souffrance, tout mon souffle est plainte. Je range comme je peux mes affaires et rentre à l'hôtel. Je calcule chaque mouvement, anticipe chaque virage et maudis la moindre mèche de mes cheveux osant m'effleurer hautainement. Me prenant les pieds dans mon paréo (et oui, j'avais réservé ça au retour, forcément), j'ai la coquetterie de m'étaller graisseusement (grâcieusement serait mentir) sur la moquette rèche du sol. Je déteste Marc, je déteste Londres, je déteste cet hôtel. Je relève mon corps enhuilée et le traîne jusqu'à ma chambre.

Je m'allonge précautionneusement sur le lit, un rictus de douleur en sourire de circonstance, alors que Grisbisou se presse pour m'étaler de ses coussinets veloutés un peu de crème bienfaitrice. Et alors que je frissonne sous ses mouvements circulaires, je réalise que venir n'était que fuir une solitude que je ne connais que trop. Nouveau décor, nouvelles têtes, nouvel embrun, même non-accompagnement. Mais Grosbisou se cale contre moi, ronronnant, rassurant et je comprends que je dois profiter de mes vacances, c'est ce dont j'ai envie (et besoin). Je m'accorde quelques jours de farniente à l'hôtel afin de décuire, et après c'est promis je repars d'un bon pied... bronzé!

8 Comments:

Anonymous Anonyme said...

toujours autant de plaisir a te lire, a voir mes vacances a travers les tiennes..
c'est bizarre, marc aussi a fait partie de mes vacances, tout comme guillaume (musso).
Le soleil a aussi été traitre avec moi, mais aujourd'hui, j'arbore une jolie couleur cuivrée

des bisous

20:41  
Anonymous Anonyme said...

visiblement le soleil n'a pas fait de cadeau à beaucoup de monde :/

23:35  
Anonymous Anonyme said...

Que de souvenirs naissant dans mes pensées a la lecture de cette suite sympathique et pimentée..

Agatha n a qu a bien se tenir, nous attendons ton retour en salivant de "Désirs" pour tes lignes sculpturées ...(interpréteront ce que les gens voudront !!)..

Tres Honorés Baisers..

23:14  
Blogger CarrieB said...

Ca me rappelle un peu le récit de mes vacances...déjà loin derrière, même si elles n'ont qu'une petite semaine.
La vie quotidienne a repris son cours, la seule consolation étant le soleil, qui ne se résoud pas à nous quitter, comme pour prolonger cet été de ses rayons bienfaisants, même au bureau...

23:34  
Anonymous Anonyme said...

"Et mon maillot qu'on-bronze-à-travers-top-top"

Top délire !!! (méga groove).
Tu portes un maillot de bain transparent ?
(Pas de maillot du tout, j'ose même pas y croire :-)

11:30  
Blogger Juju said...

Nan même pas! En fait ce sont des maillots à travers lesquels on bronze. C'est une maille ultra géniale crée par des laborantins si intelligents que jamais ils ne verront de femmes dans leurs maillots (intelligence et succès auprès des filles, ca fait deux, c'est bien connu).

C'est pour ca que tu me plais Yoj' :D

17:25  
Anonymous Anonyme said...

" (intelligence et succès auprès des filles, ca fait deux, c'est bien connu). C'est pour ca que tu me plais Yoj' :D "

Attends ! Attends ! C'est pas parce que j'arrive pas à faire les sudokus force verte, que je suis un idiot.
Tiens ce matin, pour me raser, j'ai inventé l'eau tiède. (Je vous donne le truc : j'ai fait ça en mélangeant de l'eau chaude et de l'eau froide)

Alors ?
Pas bête hein le Yoj' ?

18:57  
Blogger Juju said...

Wahou Yoj' t'es mon nouveau Dieu! Moi qui prenais une douche glacée puis une douche bouillante pour me débleuïr!

Alors merci Yoj', grâce à toi je ne ferai plus fi de Stroumpfette. Alleluia!

23:11  

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