Le monde de Juju

25 septembre 2006

Le Monde de Juju, Fin.


Et, tel un big bang final, voici un dernier petit message pour vous annoncer la fin du Monde de Juju.

Je tiens à faire un énorme bisou à Anouchka, Eric, Oxygen (la copie de Oui-Oui est un queer t'attend toujours frérot!), sans oublier Julien, ma jolie Nelly, Stefie, Romain, Yojik l'homme à la tête de citrouille (n'hésitez pas à visiter son blog, c'est une perle!) sans oublier Carrie et tous ceux qui sont passés sur ce blog.

Clin d'oeil à Grosbisou.

Et enfin une pensée spéciale à tous ceux et celles qui se sont laissés croquer par mes portraits (sous contrat d'anonymat, lotus et mouche fourbue).

Merci à tous, continuez à vous balader sur des planètes aussi folles que celle-ci, et gardez votre bonne humeur!

Bizzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz.................


PS : pour les mélomanes... www.chezmakali.com

20 septembre 2006

Rencontre Marcante

Certains de vous connaissent déjà mon amour de la littérature. Je n'entends pas par là la littérature classique, je suis blonde voyons. Et mon bon vieux Germinal du lycée est entaché de ronds baveux , stigmates de mes lourdes siestes en cours de français, me maquillant le visage à l'encre des lignes interminables. Je suis une gourmande de romans contemporains, des plus légers aux moins compliqués, en passant par les succès commerciaux. Aveux sont faits.

Et samedi dernier, qu'est-ce que ma ville organise-t-elle pas? (on sent l'éloignement de Balzac, hein?) Une rencontre littéraire annuelle que je ne saurais manquer. Parcourant le programme des festivités, mon regard s'arrête sur un nom que je chéris : Florian Zeller. Miam. Autant séduite par ses écrits que ses yeux clairs, je me délecte d'avance. J'embarque mon sac, mon sourire glossé et ma copine, Miss Métisse. A nous deux Florian!

A peine arrivée sous le troupeau de tentes immense, je cherche du regard le beau blond que je suis venue admirer. Je m'engouffre dans le flot des lecteurs, lents, piétinants et bourrus. Décidément, moi et la foule... Reconnaissant derrière une pile de livre le chaleureux Daniel Picouly, je tente une sortie discrète bien que violente. J'attrape un de ses livres que je n'ai pas encore lu, Le Coeur à la Craie, et m'approche pour papoter un peu. Il prendra le temps de me montrer les livres pour enfants qu'il a co-écrits (et oui, les blondes ne sont pas réputées pour lire les ouvrages sans images) et me tend ensuite le livre que je viens d'acheter, dédicacé, me précisant qu'il m'y pose une question. J'écarte la couverture qui craquelle doucement (qui eût cru qu'un bruit fut aussi doux à mes oreilles que celui du papier argent d'une plaque de chocolat que j'entame?). Et lis doucement : "Julie, et toi c'était quand ce premier coup de foudre?". La joliesse de la chose plisse mes pattes d'oie naissantes (non non je ne fais pas de fixette là-dessus... mais quand même!!) et je m'éloigne en lui faisant une moue silencieuse, mon index pointé sur ma bouche. Il sourit. Absolument charmant.

Quelques mètres plus loin j'aperçois le stand de l'éditeur de Florian. Qu'il me pardonne cette familiarité. En le contournant, cherchant des yeux mon éphèbe promis, mon regard s'arrête sur une masse de cheveux blonds on ne peut plus impressionnante. Cousin Machin rencontre Robert Smith. Même de dos je ne pourrais la confondre à une autre : Nathalie Reims. Je n'ai jamais lu un de ses livres, mais je l'ai souvent regardée avec amusement décrire son univers romantico-médiévo-gothique dans les émissions littéraires tardives. Je lis les résumés des quelques livres présents et m'arrête sur la Lettre d'une amoureuse morte. Pourquoi pas? Faisons l'essai. La jeune femme apprêtée me sourit, me dévisage et griffonne un petit mot. Je m'éloigne et ouvre le mince ouvrage discrètement : "Pour vous jolie Julie, cette lettre d'une amoureuse morte. Très amicalement." Et alors que j'ai du mal à cacher mes joues qui s'empourprent, j'aperçois Floflo.

Les cheveux sable mélangés comme après une nuit d'amoureux, le visage d'enfant intelligent concentré sur ses dédicaces, il s'applique à réserver à chacun et chacune (beaucoup de chacunes dans la file) un sourire, un mot, une politesse. Voyant qu'il ne reste à sa table que deux exemplaires d'un de ses livres, je tends le bras et m'empare de l'objet de convoitise. Non, pas Flo d'amour, mais une copie de La Fascination du pire. Et peu après me voilà face au jeune homme, si grâcieux qu'il me fait me sentir moins femme, qui signe d'une écriture longue et ondulante : "A Julie, en lui souhaitant la fascination du meilleur. Amicalement." Bousculée par les admiratrices avides, je me vois repoussée hors de la file, sans même avoir eu le temps de payer le livre. Je sors du chapiteau, le coeur dans les yeux, et m'asseois sur un banc avec Miss Métisse, à côté d'une jeune fille qui semble ne pas se remettre de la rencontre. Elle m'explique dans un rire électrique qu'elle adoooooooooooooooooooore Florian et, tremblante, qu'elle l'a trouvé magnifique-superbe-incroyable-distingué. Tout cela formant un seul et même mot amoureux, une boule d'idôlatrie qui palpite dans sa poitrine. Son fanatisme de collégienne me fait sourire et m'amuse. Je lui réponds alors qu'en effet, il est charmant et très agréable, mais ne manque pas d'ajouter dans un sourire : "Enfin, ce n'est pas comme si Marc Lévy était là, hein!" La jeune fille à lunettes me regarde, pointe son doigt vers une longue file qui éventre le chapiteau et me lance : "Mais si, il est là. Il dédicace son dernier livre".

Juju est en arrêt cardiaque. Marc. LE Marc. MON Marc est là. Et je ne le savais pas! Manquant d'assommer Miss Métisse et Miss FandeFlo dans mon élan, je me suis précipitée, jetée dans la langue sinueuse des admirateurs. Je n'en revenais pas. Moi qui ai lu tous ses livres, lui qui m'a tant enchanté par son écriture simple et ses histoires d'amour plus émouvantes que guimauvantes! Il a toujours su toucher mon coeur de fille, de lectrice et de personne. Bref, MON Marc est là, derrière la toile blanchâtre, à quelques mètres de moi. Miss Métisse file m'acheter un exemplaire de son dernier opus en catimini, je me verrais mal me faire dédicacer la fesse gauche. Ca je le reserve pour Robbie Williams.

Après 5 loooooongues minutes d'attente, je l'aperçois. Tel Indiana devant son Diamant Vert, mes yeux s'allument et un sourire béat, je dirais même niais, se colle sur mon visage. La barbe naissante, les yeux noisette, il sourit à ses lecteurs et signe rapidement les pages vierges préludant son livre. J'arrive enfin face à lui, les yeux aussi pétillants que ceux de Nicky Larson face à Laëtitia Casta, la bave au coin de la bouche en moins. Je prends quelques minutes pour lui avouer que j'aime beaucoup ce qu'il fait, que j'ai lu tous ses livres et que ce fut un vrai bonheur. Il me regarde, me sourit, me remercie sincérement, réfléchit quelques secondes afin de personnaliser la dédicace (il devait les copier-coller depuis la matinée). Je paie le livre, tremblante et émue. Finalement la plus jolie chose que j'ai vue ce jour là, parmi tous ces écrivains, a été cet homme, si "normal" et touché par mes compliments. Un peu plus loin, j'ai ouvert le livre et y ai lu : " Pour Julie, avec toutes mes amitiés, merci pour vos lectures fidèles". Juju sourit.

J'ai donc terminé chez moi, avec 4 nouveaux bouquins et mon portable rempli de photos de Florian et Marc. Maintenant, je vous laisse, j'ai quelques livres à dévorer. Double Miam.

17 septembre 2006

Relooking

Et non, ce n'est pas de MON relooking dont il s'agit (je sais que j'en aurais grandement besoin mais je me suis jurée de ne me faire relooker que par Charlie et ... je suis ni riche ni célèbre alors...). C'est évidemment le blog qui fait peau neuve...

Et oui, même Le monde de Juju est passé au vigoureux et prometteur aut/wint 06. Ma question s'adresse donc à vous, ceux que Yojik appelle tendrement "les invisibles". Qu'en pensez-vous? Je garde ma nouvelle robe ou retour à l'habillage bonbon? C'est toi qui choiz' ...


08 septembre 2006

Des vacances Ju'niales, Tome 3.

Nous voilà déjà début septembre, mon exil a pris fin. A nouveau dans mon Chémwa, je profite des derniers jours de soleil, la peau dorée (si si, quand on regarde bien, on voit une différence... bon ok, la méthode Coué ne fonctionne pas pour tout). Grosbisou, crevé par ces longues vacances à deux, passe ses journées à dormir, accollé à mon sumo de chat.

Après avoir fini totalement crevettisée lors de mon bain de soleil ensommeillé avec Marc, j'ai passé quelques jours au frais, biafinée, à l'hôtel, profitant de la piscine et des jardins reservés aux vip (... et aux Julies). A force de cotoyer les mêmes visages j'ai fini par copiner avec une autre célib' en bougeotte, Miss Brune. A force de proximité transatique, de prêt de crème solaire et mattage de Maître Nageur, une amitié ponctuelle, et pourtant rapidement très complice, naît.

Et Ô combien il peut être rassurant de croiser quelqu'un aussi célib' que soi et reflettant dans ses plus beaux apparâts la joliesse de l'épanouissement. Prétextant une allergie aux grains de sable, elle ne décidera finalement d'accepter mes propositions de retour à la plage qu'après plusieurs jours. Mon petit doigt me dit qu'elle ne souhaitait pas vraiment passer son après-midi à mater des couples heureux, sains, bronzés et sensualisés par la langueur des vacances batifolant dans les vagues... Et elle n'avait pas tort. Mais vaille que vaille, voici la petite troupe (Brune, Grosbisou et moi-même) qui débarque sur la plage. Refroidie (je ne suis pas sure que l'adjectif soit tout à fait approprié) par mes coups de soleil préccédents (et à peine guérissants), je me munis d'un bob pastis déniché au bar de la plage, je me sabre le ventre d'un parasol fleuri délavé, me biafine le nez et les épaules et essaie d'assumer tant bien que mal mon allure de Kéké.

Brune quant à elle ondule dans une robe qui me liquéfie d'envie, la peau tout à fait accoutumée aux agressions du soleil. L'après-midi défilera à une vitesse d'enfer, entre fous rires et papotage, passage de tests divers et variés tirés de nos must-read en sirotant des jus de fruits. Et c'est après avoir reçu quelques flyers fluo vendant des soirées toutes plus branchées et vipisées les unes que les autres que nous arrêtons notre choix sur une fête organisée dans la ville voisine. C'est ainsi qu'en début de soirée, la porte d'entrée de l'hôtel vomit deux énergumènes parés d'un sourire magistral. A peine le temps de choisir méticuleusement deux jolies fleurs dans les massifs entourant la bâtisse que nous torsaderons dans nos cheveux, et nous trottinons jusqu'à la voiture de Brune.

70 km plus tard, nous voilà enfoncées dans des banquettes moelleuses, une Margharita frappée dans la main. La musique est chaude et enlaçante, les personnes présentes sont souriantes, avenantes et amicales, la soirée se promet d'être bonne. Un groupe de vingt-ans-et-des-poussières nous invite à nous joindre à eux, et après plusieurs verres et quelques discussions enflammées, Brune se tourne vers moi et me susurre d'une haleine très alcoolisée "le brun d'en face... il est pour moi!". Cin d'oeil. Un sourire Colgate et une assurance trop marquée, je ne comptais pas faire figure de concurrente.

Après 30 minutes de frotti-frottas avec Brun, Brune file discrètement se rafraîchir. Profitant de cet instant de pause, je me dirige vers l'homme convoité et lui souffle que Brune est "un brin" éméchée et qu'il serait peu galant de sa part d'en profiter. Heureusement, notre Brun de papier glacé l'avait remarqué et avait l'intelligence de ne pas souhaiter en abuser. Voilà une bonne chose. Je rejoins la table de festoiement, tout de suite plus légère. Finissant par m'ennuyer et par fatiguer, voyant la soirée grignotter l'aube, je balaie l'établissement du regard... Point de Brune. Je me décide à questionner mes convives, rien. Je me dirige alors vers le barman au regard afsfuté, et apprend rapidement la triste nouvelle : La jolie brune? Elle est partie en furie tout à l'heure, je crois qu'elle était dégoutée que tu essaies de draguer son copain.

*Moment de solitude*

Un malentendu, et me voici seule et loin de l'hôtel, sachant Brune sur la route. Et là, la Juju n'est pas rassurée. Ayant perçu le vent de panique qui m'a effleuré, Brun finira par me ramener à mon point de départ, aussi désolé que moi de la tournure des évènements.

Le lendemain, espérant régler cette histoire, je me rends à notre Q.G. : la piscine. Personne. Je me renseigne auprès du Concierge et me voilà encore déconfite, Brune a plié bagages et est repartie. J'ai finalement passé mes dernières journées seule, culpabilisée et froissée.

Et finlement je ne suis pas fâchée d'être rentrée et de retrouver les bonnes vieilles têtes qui me font confiance et me sécurisent. Je ne pense pas que j'oublierai Brune de sitôt, elle et son allergie aux grains de sable qui m'avait valu de boire plus d'une tasse chlorée dans la piscine de l'hôtel, victime d'un fou rire irréprécible en écoutant religieusement ses arguments.

Bien qu'ils soient souvent de passage dans notre vie, ces liens éphémères ne font que renforcer mes vieilles amitiés datant de l'époque collège-Wonderwall-Caterpillar. Et je suis sure que Grosbisou la regrette un peu aussi, il n'y avait qu'elle pour réussir à lui faire passer le test "Quel est votre homme idéal ? ". Qui sait, peut-être lirons-nous à 3 les résultats l'été prochain... Sur le transat' de la piscine, promis.

21 août 2006

Des vacances Ju'niales, Tome 2.

Me voilà donc arrivée à la ville de tous les rêves, celle qui accueillera au creu de sa main tiède mon humeur vacancière, mère de mon bien-être et d'un repos mérité : la ville de touristes en manque de soleil. Lorsque, comme moi, on habite 10 mois par an la contrée de Far Far Away, où le ciel grisonnant soupire sur ses vieux jours brumeux, notre peau et notre moral manquent cruellement de lumière. Berceau des dépressions hivernales annuelles, ce plafond blanchâtre est tout à coup (enfin après quelques heures de train) réveillé par un baiser réchauffant de mon meilleur ennemi : le soleil.

J'ai toujours joué au chat et à la souris avec le soleil. Amant passionné lors de mes lézardages intensifs sur la côte Méd', époux haït qui me provoque à chaque effusion migraines et brûlures douloureuses, compagnon de vie si tendre lors de mes balades sur les marchés aux légumes du vieux Nice. Le soleil, la mer. Rien de tel pour m'envoyer au visage, comme une claque si lointaine, mes souvenirs d'enfance : la marque du maillot Arena bicolore dos nageur sur ma peau qui se dore, la socca moelleuse et épicée que je laissais fondre sur ma langue avant de l'engloutir dans un hoquet de joie, ma grand-mère épluchant les pommes-de-terre au-dessus du sachet Casino, mon Papy sentant bon l'olive et le vieux tabac, mes dessins aux craies grasses Crayola (qui ont dailleurs toutes fondues sur la plage), mon frère qui s'envole au-dessus des vagues, entourbillonné par un mistral qui décolle son matelas bordeaux et marine de la mer, mon père que je suis jusqu'à la bouée, maman qui démèle mes cheveux, noeud salin géant qu'elle rêve furieusement de raser. Toutes ces parcelles qui tapissent le chemin sur lequel j'aime à me retourner, et qui font que j'ose avancer.

Enfin avancer... encore faudrait-il trouver un fichu taxi. Je me dirige en trottinant vers la file qui leur est réservée, tirant tant bien que mal ma pauvre valise et essayant me garder Grosbisou accroché à ma hanche droite. Comme il est de tradition, je grimpe dans le premier taxi de la file, et lis au chauffeur l'adresse de mon hôtel, mon cocon, mon ventre maternel. Et rien ne me fera perdre ma bonne humeur. Je remarque à peine les poils de chien dont la couverture sur la banquette arrière est maculée, ni cette odeur de vieux grenier dont je m'imprègne, et encore moins la figurine d'Homer qui geint "Doh! Héhé!" en remuant son ventre gras à chaque virage.

30 minutes plus tard : délivrance. L'hôtel se dresse face à moi, grande bâtisse blanche à l'odeur de bois. Un jeune homme se précipite vers moi pour attraper ma valise et je déambule seule dans le vaste hall, titubant à force de fixer le plafonnier vitrifié. Tout est simplement fa-bu-leux! On me conduit rapidement à ma chambre, je m'accoude à la rambarde de bambou entourant la terrasse et fixe au loin l'océan qui ne semble s'étendre là que pour moi. Il y a des instants que j'aimerais partager et des idées que j'aimerais chasser, mais mon coeur en vacances sautille d'impatience et ne se languit que de sable chaud. Je file sous la douche, enfile mon attirail maillot-paréo-aïe-les-kilos-en-trop, m'arme de ma trousse monoï-crème-anti-coups-de-soloï-mini-parasoï, attrape Grosbisou par la patte, dévale les escaliers en manquant trois fois de les manger en marchant sur mon paréo et cours vers la plage.

Par chance, la plage atenante à l'hôtel se trouve être une plage privée réservée aux clients, je suis donc presque seule, impec! J'allonge ma serviette, plante le mini-parasol pour Grosbisou, mets mes affaires à l'ombre et file vers l'océan. L'eau est tiède, les vagues joueuses et l'air vif. Je suis de bonne humeur et je passerai là près d'une heure à m'enfoncer dans les rouleaux d'écume, faire la planche et me laisser dériver, la tête vide. Fatiguée, essoufflée, amusée et infantilisée, je rejoins ma serviette. Grosbisou compte les grains de sable et je décide de m'allonger et de bouquiner un peu. Je sors mon dernier livre et tourne doucement les pages dont les coins se soulèvent sous le chatouillement du vent marin.

Soudain, un homme me caresse lentement le bras. J'ouvre les yeux et Marc Lévy se penche sur moi. Il me prend la main et me voici à Londres, déambulant avec lui sur Portobello Road. Il me couvre de cadeaux, m'avoue timidement qu'il m'aime et que son prochain livre ne parlera que de moi. Je suis grisée, envoutée, magnétisée par ses tempes brunes et sa barbe naissante. Et alors que nous marchons main dans la main dans les rues londoniennes, un douleur me lance dans l'épaule. Des coups de poignards! A l'aide! Au secours! Marc n'est plus là! Ouh que j'ai mal! J'espère qu'Agatha fera de ce crime un best-seller. A moi! Aïe aïe aïe!

Aïe, aïïïïe... Grosbisou me tapote l'épaule, le regard inquiet. Je me suis endormie. Le vent commence à se faire frais, les pages de mon livre dansent violemment dans un bruit de claque sèche, le soleil est bas. Je me relève rapidement et me rends compte de l'étendue des dégats. Je suis aussi rouge qu'un homard trop ébouillanté. Et mon maillot qu'on-bronze-à-travers-top-top n'a laissé de répit à aucun centimètre carré de ma peau. Tout mon corps est souffrance, tout mon souffle est plainte. Je range comme je peux mes affaires et rentre à l'hôtel. Je calcule chaque mouvement, anticipe chaque virage et maudis la moindre mèche de mes cheveux osant m'effleurer hautainement. Me prenant les pieds dans mon paréo (et oui, j'avais réservé ça au retour, forcément), j'ai la coquetterie de m'étaller graisseusement (grâcieusement serait mentir) sur la moquette rèche du sol. Je déteste Marc, je déteste Londres, je déteste cet hôtel. Je relève mon corps enhuilée et le traîne jusqu'à ma chambre.

Je m'allonge précautionneusement sur le lit, un rictus de douleur en sourire de circonstance, alors que Grisbisou se presse pour m'étaler de ses coussinets veloutés un peu de crème bienfaitrice. Et alors que je frissonne sous ses mouvements circulaires, je réalise que venir n'était que fuir une solitude que je ne connais que trop. Nouveau décor, nouvelles têtes, nouvel embrun, même non-accompagnement. Mais Grosbisou se cale contre moi, ronronnant, rassurant et je comprends que je dois profiter de mes vacances, c'est ce dont j'ai envie (et besoin). Je m'accorde quelques jours de farniente à l'hôtel afin de décuire, et après c'est promis je repars d'un bon pied... bronzé!

03 août 2006

Des vacances Ju'niales, Tome 1.

Alors que j'ai devant moi quelques jours de vacances, j'avoue ne savoir qu'en faire. Rester chez moi? Bof. Partir? Oui! Mais seule, c'est pas top. Mes amis sont tous partis bronzoter en amoureux, seule ma meilleure copine est restée en ville à préparer son internat de pharma. Donc seule. L'idée au départ ne m'enchante pas. Puis finalement pourquoi pas? Après tout ça n'est pas une tare d'être célib' et lâchement abandonnée par ses amis... La décision est prise, je pars me dorer la pilule seule comme une grande, même pas peur. Je prépare ma petite valise à roulettes, la blinde de fringues et d'objets qui n'en sortiront même pas, prends Grosbisou dans mes bras et file à la gare.

Un brin lassée par la côte Méd', je prends un ticket pour les rivages atlantiques. Oh joie! 10h de train ouvriront le rideau de velours rouge de l'aventure. Les hauts-parleurs tintent trois fois et une voix douceâtre m'annonce que mon train est sur le quai. Le temps d'acheter un sprite à Grosbisou et me voilà calée dans un siège seconde classe, accoudée à la table centrale du quatuor d'assises. Je bats la mesure d'un air enjoué en calant Grosbisou face à moi. Je range tant bien que mal ma valise dans les filets me surplombant et attends impatiemment le départ du train en reluquant mollement les voyageurs quittant leurs proches sur le quai.

Un petit garçon court bruyamment dans l'allée et crie à son père qu'il veut s'installer là, près du nounours qui boit un sprite à la paille. Damned. Le père esquisse un sourire d'excuse et se place face à moi, alors que son fils s'asseoit en tailleur à mes côtés. Il me dévisage longuement puis me demande:
" - Il est à toi l'ours?
- Oui, il s'appelle Grosbisou, c'est un bisounours.
- T'es vieille pour avoir un ours !
- Oui, mais c'est un ours imaginaire vois-tu, dis-je avec un sourire forcé aux lèvres.
- Alors pourquoi je l'vois moi?
- Parce que tu es un enfant. Grosbisou est en quelque sorte mon inconscient infantile que je protège et qui me rassure.
- C'est chiant ce que tu dis, me lance-t-il.
- On ne dit pas "chiant", c'est pas bien.
- Oui, mais n'empêche que c'est chiant quand même."

Le bambin se replace correctement, face à son père absorbé dans ses lectures. Désintéressé par le monstre de foire que je suis, il joue avec une voiture miniaturisée. Un hoquet me secoue, le train démarre. Plus rien ne peut m'atteindre, les vacances commencent. Et, à peine plongée dans un livre inintéressant dont je relis la phrase d'intro pour la 4ème fois sans m'en apercevoir, le garçonnet me secoue le bras et me demande si je veux jouer avec lui aux cartes Yu-Gi-kémon.

" - Euh, c'est pas que ça a l'air compliqué mais je ne sais pas y jouer, désolée.
- T'façon à ton âge on joue pas à ça. Mais je t'apprendrai, tiens prends un tas de cartes. Alors là tu vois tu as Rattatac sous l'élément feu du Pharaon. Alors moi je te bats en mettant mon Raichu qui avec Nidorina crée un ensemble glace-spectre qui neutralise l'émission du Puzzle Millénium pour te réduire en Salamèche des ténèbres et te faire tomber dans l'oubli des tombes des Pokémon Obscurs. T'es nulle, t'as déjà perdu.
- Euh... ok... Tu veux pas regarder un film plutôt?"

Et voilà que je sors mon ordinateur portable. Maître Ignard, par l'écran alléché, me tint à peu près ce langage:
" - T'as quoi ?
- La Belle et la Blatte, Oui-Oui est un Queer et le Roi Lion.
- Mets le Roi Lion."

Me voilà partie pour 2 heures de calme. Le père s'est endormi la tête inclinée sur l'accoudoir et Grobisou me regarde silencieusement, je crois qu'il a un peu peur des voyages. Je le prends sur mes genoux, calant ma tête entre ses oreilles rondes et laisse mon ventre se bercer de ses ronronnements. Et alors que le générique d'intro est à peine terminé et que je m'émeus devant l'éternuement de Simba nourrisson, le gosse s'agite et me jette :

" - J'en ai marre, on change?
- Ca vient juste de commencer! Attends après tu vas voir, Scar fait croire à Simba qu'il a tué son père et ce dernier, accablé par la culpabilité du meurtre oedipien...
- Pas étonnant que tu voyages avec un ours si ce que tu dis est toujours aussi chiant."

Vexée par un marmot de 8 ans, j'éteins mon ordi, me cale contre la fenêtre en boudant et fixe le paysage en grognant. C'est alors qu'un contrôleur arrive, tapote l'épaule du père et lance joyeusement :
"Toute l'équipe de la Fédégrév vous souhaite un joyeux anniversaire Monsieur, et pour cela nous vous invitons, vous et votre fils, à rejoindre gratuitement la première classe."

Le père, tout content, remballe bien vite ses affaires et prend son fils par la main, petit montre que je fusille allégrement du regard alors qu'il remonte l'allée. Grosbisou me fait un clin d'oeil et nous nous endormons vite, lovés l'un contre l'autre.

Le voyage est donc passé très rapidement et il aura fallu qu'un membre du personnel m'empoigne l'épaule pour que je daigne émerger de mon coma caniculique. Je récupère en vitesse ma valise qui au passage n'a plus qu'une seule roulette. Je me retourne pour essayer de surprendre un hypothétique voleur probablement en relation avec la mafia biarrote. Rien. Je parcours donc la gare avec Grosbisou calé contre ma hanche, élégamment entourée d'un aura de plastique chauffé, ma valise supportant mal la friction avec le bitume fumant.

Me voilà donc seule, peu réveillée et un brin perdue, sur le seuil de la gare. L'air sent l'iode, les cheveux sont blondifiés et les bras des passants sun-kissed à souhait. Les vacances peuvent commencer!


22 juillet 2006

Papillonnage ou le flippage julien

Bon, j'avoue, sur ce coup là je ne suis vraiment pas fière de moi. Hier soir, j'ai fait ma Julie. Et c'est mal. Afin de prévenir les âmes les plus ignorantes et susceptibles de me lire, voici une petite expérience à but informatif.

C'était sur les coups de 2h30-2h45 ce matin même, vautrée sur mon canapé avec mon élégance habituelle, les pieds sur ma table basse, une cuillère à soupe plantée dans ma conserve de compote de pommes, l'ordi portable bouillonnant sur mes genoux, le ventilo poussé à plein régime m'asséchant les rétines, que j'ai fait ma Julie.

Tout a commencé lorsqu'un papillon de nuit est entré dans mon salon et a eu l'ingénieuse idée de se transater sur les moulures de mon plafond. Et s'il y a une chose que je n'aime pas, ce sont les papillons de nuit, les moustiques, les araignées, les vers et... bon ok ça fait plus d'un, mais c'est pour situer le tableau. Donc je flippe légèrement et décide d'ouvrir en grand ma fenêtre, tirant mes immenses rideaux au maximum. Ma bougie à la citronnelle a beau se consumer, le papillon ne semble pas être plus dérangé que ça. En fait, j'étais très fière de cette bougie. Etant partie la veille faire un petit tour de shopping au Luxembourg (inutile de le préciser, mais ça fait bien alors pourquoi m'en priver?!), j'avais ramené cette bizarrerie avec moi, une bougie énorme flanquée dans un pot en terre, genre pot-de-fleur.

J'adore l'odeur de la citronnelle, ça me rappelle mes étés d'enfance dans le sud, quand on buvait du Canada Dry dans le jardin, que le soleil se décidait enfin à se coucher, que les grillons commençaient leurs amours et que l'air sentait bon les barbecues dévorés. Repus, ennivrés par l'air tiède, nous allumions des bougies à la citronnelle avant de commencer nos parties de tarot.

Tout ça pour vous situer à peu près la taille de l'engin (la bougie, suivez). C'est important pour la suite. Peut-être une dizaine de minutes après mon ouverture théâtrale de rideaux, la bête immonde et répugnante était toujours acollée à mon plafond, indélogeable. Une odeur étrange a commencé à s'installer. Il était tard, mes transmissions synaptiques étaient encore plus lentes que d'habitude, et j'ai mis 5 minutes à tourner ma tête vers la fenetre.

La bougie a pris feu. Dans mes bêtes conceptions de blonde, une bougie, lorsqu'elle n'a plus de cire, s'éteint. Mais pas mon gremlin citronnellisé. Du pot s'échappent des flammes bouillonnantes. Là, soudainement, j'oublie le papillon de nuit. Premier réflexe : mon chat. Elle dort, tel le sumo qu'elle est, étalée de tout son flan, sur mon tapis neuf. Et parlez moi de l'odorat des chats... Deuxième réflexe : Grosbisou. Il est assis sur le canapé et couvre ses yeux de ses petites pattes rondes. Il tremble. Bon, que ferait McGyver?...
...
...
...
...
...
Eteindre le feu.
Ok.
Je cours à la cuisine de mon pas éléphantesque, attrape une bouteille d'Evian, fais le chemin inverse. Les flammes commencent à être vraiment impresionnantes. Aie aie aie. Je balance un peu d'eau dans le pot et là... et là... BWAOUF. Bon je sais, j'imite mal un nuage de feu, mais j'ai pas mieux. Une véritable boule rouge a jailli du pot, pot en terre qui commence lui-même à prendre feu. Les flammes font désormais un mètre de haut et commencent à lécher amoureusement les rebords de ma fenêtre (en bois évidemment, sinon ça ne serait pas drôle). C'est à ce moment là que je me suis dit qu'il était possible, je dis bien possible afin de me déculpabiliser, que la cire soit une matière oléagineuse. Donc boulette.

A ce moment là, la Julie panique. Je cours réveiller ma coloc' (oui bon c'est pas très utile, mais je préfère flipper à deux) en lui hurlant dans les oreilles : "Y a l'feuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuu". La voilà qui bondit de son lit, mal réveillée, les yeux encore collés, fantasmant probablement un scénario de guerre. Elle attrape une serviette, la mouille et s'approche du pot. Mais le brasier nous empêche de nous approcher.

Après quelques minutes où nous sommes restées plantées là, à regarder le massacre d'un air dubitatif et très con, le feu a commencé à diminuer, jusquà s'éteindre spontanément. Les grésillements titillent l'oreille de mon chat qui ouvre un oeil. Et le referme.

J'ai passé au moins une bonne heure à regarder le pot de façon menaçante, les grésillements sporadiques me faisant sursauter. Et puis j'ai eu une révélation. Si si. Si le papillon de nuit n'était pas entré et n'avait pas squatté mon plafond, je n'aurais pas écarté mes rideaux. Et j'aurais probablement fini carbonisée dans mon canapé, mon ordi fumant sur les genoux et ma conserve à proximité. Mort indigne. Alors je me plais à croire que La Bête était un signe. Un truc digne d'une histoire à la M. Night Shayam... Shamala... Shmayala... Enfin une histoire à dormir debout.

Alors non, je ne promets pas de chérir ces fichus papillons désormais, mais lorsque j'en truciderai un, je le ferai avec amour.

10 juillet 2006

Diabolo fraise

Dimanche matin.
Réveillée par un couple d'oiseaux batifolant sur le rebord de MA fenêtre (évidemment, chez le voisin ça aurait été moins drôle puisque lui était déjà évéillé depuis longtemps), je décide d'optimiser ce dimanche ensoleillé de juillet. Après avoir fait dégager les amoureux à l'aide de mon brumisateur Evian, j'attrape mon portable et appelle La Goutte, ma copine poivrotte. Et une heure plus tard, nous voilà parties dans la Mini décapotable de Ma Cruche Préférée sur la route des vins alsacienne.

Loin du foulard a peine noué de Grace, j'enfourne une casquette Von Dutch sur ma tête, me cale contre le moelleux du siège et me laisse bercer par la route que nous dévorons goulûment. Le paysage se fait roux et les champs dorés, l'air exhale ses essences de caoutchouc tiède et de noisette grillée, toute la nature offre au soleil ses senteurs les plus gourmandes. Je me sens Thelma, je me sens libre, fugitive épicurienne de L'échappée Belle d'Anna.

Et nous voletons de Cave en Cave, nous baignant de l'odeur champignonnée de la fermentation, nous laissant cajoler et imprégner par l'humidité intimidante des tombeaux vinaires endormis. Et nous trempons nos lèvres dans des alcools aux couleurs de pomme et de groseille, parfois âcres et sucrés, toujours vêtus d'une robe tourbillonnante. Mais nous décidons de stopper le manège lorsque, en remontant d'une Cave, mon pied droit a refusé de suivre les instructions émises et que je me suis lamentablement étalée, le visage marqué par la pierre.

Nous sommes alors passées acheter quelques Bretzels et nous sommes reposées une petite heure dans un champ sauvage. Après avoir déplié la couverture épaisse datant du service militaire de mon père, je me suis allongée à côté des initiales flanquées à un coin et me suis mise consciencieusement à manger les grains de gros sel parsemant les viennoiseries, m'écorchant la langue de plaisir.

Après avoir somnolé (cuvé?), nous sommes reparties d'un bon pied, le sourire aux lèvres et la bouche encore parfumée de raisin. Et c'est après quelques kilomètres seulement que, au milieu de nulle part, la voiture nous a obligées, d'un pas chassé on ne peut plus disgracieux, à nous ranger sur le bas-côté. Verdict de Docteur Lie : un pneu crevé. Coup d'oeil à gauche. Coup d'oeil à droite. Personne. Et nous voilà, accroupies contre le sol, l'oreille collé au bitume, prises d'un fou rire rosé, à surprendre l'arrivé du chaland motorisé. En vain. Il va donc falloir se débrouiller. Assaut des portables... Pas de réception. Thelma est devenue Robinson. Et Vendredi est en train de faire pipi derrière un bosquet, toujours hilare.

Pas le choix : sortir les armes. J'ouvre le coffre, prends le truc à déboulonner et le machin à soulever, et me dirige d'un air sceptique vers la flasquerie pneumatisée. Je place le cric sous la carcasse agonisante et soulève, après bien des efforts, la voiture d'une dizaine de centimètres. Maintenant : déboulonner. Mais j'ai bien dû mettre 5 minutes à m'apercevoir que, ayant soulevé la voiture en premier, le roue tournait bêtement dans le vide, comme amusée de ma bétise. Baissage de cric. Déboulonnage, tome 2. Je tente de toute mes forces de faire tourner ce fichu **** de ******* de truc de *********, mais sans succès. Je me mets littéralement à sauter sur l'engin de métal, rebondissant de tout mon coeur (qui à ce moment est surtout au bord de mes lèvres) sur la branche de la manivelle. Ca ne marche pas.

" - Vous devriez essayer dans l'autre sens !
- Pardon ?
- Le truc ... Dans l'autre sens. "

Il est là, appuyé contre sa voiture, le sourire narquois et les lunettes fumées. Mon Pichet jette un oeil sur l'arrivant et lui demande d'un ton mal assuré s'il peut nous aider. Rire moqueur.

" - Non, c'est beaucoup plus drôle de vous regarder.
- ...
- Désolé! "

Et il s'asseoit sur son capot aveuglant, accoudé sur ses genoux, contemplant la scène.

" - Vous voulez aller boire un verre ?
- Vous voulez m'aider ?
- Non .
- Alors continuez votre chemin .
- Vous boudez ?
- Non, je change une roue.
- Enfin, vous essayez . "

Et voilà La Bouteille repartie dans un fou rire. Solitude. Je finis par réussir à enlever la maudite loque, la remplace par la roue de secours, range le matériel. Je fusille du regard notre spectateur inconvenant. Miss Pichet se réinstalle derrière le volant, je rejoins la place du mort et nous repartons en soupirant.

La chute de cette histoire s'est écrasée mollement cet après-midi, lorsqu'une amie m'a invitée à boire un verre avec un garçon que je vais adoreeeeeeer chérie. J'ai retrouvé autour de la table mon hôte, affublée de notre conducteur acide. Oh joie. Et ce qui m'énerve le plus dans l'histoire, c'est qu'on a fini par le boire ce fichu verre. Y a pas de justice.

08 juillet 2006

La t'huile

Aujourd'hui, mon petit comité personnel (c'est-à-dire moi, Grosbisou et euh... mon sumo de chat) a décidé que c'était le jour J. Oui, le jour Julie, où, loin de l'agitation bourdonnante du monde qui m'est extérieur, je ne me consacre qu'à ma petite personne (et Dieu sait qu'elle aime ça!). Après tapotage de doigts sur ma bouche je finis par me décider pour le squattage d'un salon de bien-être. La totale.

14h.
Je me présente donc dans l'antre du plaisir égoïste, petite bulle destinée à n'aimer que moi. Enfin, si je paie assez. Après une grasse mat' que je qualifierais de royale, me voilà prête à me faire chouchouter. Les propositions s'avèrent alléchantes : massage facial, séance UV, soin à la rose, embellissement à l'argile, massage intégral ou encore bain aux huiles essentielles. J'ai 8 ans et je suis devant le catalogue de Jouéclub.

14h30.
Après avoir papoté avec une esthéticienne toute pomponnée autour d'un thé au caramel, je finis par opter pour un massage intégral. Les narines pourléchées par l'odeur suave du thé, je me dirige vers la cabine à la lumière tamisée. Je me déshabille en vitesse derrière le paravent en bois et me couvre d'une longue serviette épaisse. Il fait déjà chaud et, baignée dans mon atmosphère amniotique, mon esprit se ramollit déjà. La porte s'ouvre, je sors de ma cachette et tombe nez à nez avec un masseur, ou plutôt ses coudes anguleux. Ses mains, étaux de la taille de ma tête, m'effraient déjà. Je tire sur ma serviette comme je peux, me rendant compte que finalement je ne fais que déplacer le peu de tissu qui me couvre et que le taux de viande à l'air reste de toute façon le même. Il m'invite à m'allonger et, toute rougissante, je m'étale sur le ventre et attends, beaucoup moins relaxée. Cela peut vous paraître étrange (et comme je vous comprends!) mais je n'ai pas vraiment pour habitude de me faire tripoter par un inconnu alors que je suis à moitié nue. Et oui, les boîtes c'est pas mon truc. Par contre lui semble totalement à l'aise alors qu'il engraisse ses étaux pour mieux travailler la pâte. D'un geste un peu trop habitué pour être plaisant, il descend la serviette sur mes hanches et, j'en avais déjà le doute, je deviens cramoisie. L'air de rien, je souris pâlement, après tout c'est le jour J, rien ne doit me dépiter. Et le voilà qui se met à me pétrir, me tordre et me malaxer. Dire que ce massage a été agréable serait.... hem... vous mentir. Je suis sortie de la pièce complétement meurtrie, la chair remuée criant sa souffrance à chacun de mes pas. Je traîne ce qui me sers de corps claudicant vers la salle atenante. Suite du programme.

15h.
Désirant me remettre de mon entrevue avec Mr Durden, je m'allonge avec délectation (ou plutôt avec hématomes) sur la table "d'embellissement à l'argile". Une jeune femme entre. Soulagement. Avec un pinceau elle se met à me tartiner le corps et le visage d'une pâte verte à l'odeur marécageuse et m'emballe dans une cellophane transparente. J'ai l'impression d'être un suchi incomestile dont les effluves feraient fuir tout gourmet. Me voilà saucissonnée, incapable de bouger. L'argile sèche et se durcit. Je ne peux ni parler, ni ouvrir les yeux. Mon cerveau s'émiette et les minutes tiraillent. Que c'est long. Après un an, peut-être deux, la jeune femme vient me rincer à l'aide d'un jet "tropical". Je me démomifie avec plaisir et grimace du mieux que je peux, heureuse de retrouver ma mobilité. Fini le locked-in-suchi syndrome. Ma peau fragile est rougeaude et chaude, mes grains de beauté me brûlent et mes pores craquellent. La viande se faisande. Dernière étape : la cuisson.

16h.
Arrivée dans la cabine à UV, je verrouille la porte à double tour. Plus personne pour me maltraiter. Je me traîne difficilement dans la rôtissoire dont la plaque encore froide tord mes chairs de douleur. La minuterie se met en marche, c'est parti pour quelques instants de relaxation. La chaleur me détend rapidement, l'air chaud du ventilateur me mistralise les souvenirs et je me sens baignée par l'iode et le sable. Je m'endors presque, bercée par les vagues chaudes qui s'écrasent sur ma peau. Ting! Le poster méditerranéen retombe lourdement sur le sol, la séance est terminée. Je me sens bien, détendue et lovée par ma peau réchauffée. Je souris toute seule. Mes yeux se réhabituent progressivement à la pénombre et un doute fronce mes sourcils. J'allume la lampe et constate froidement que le soleil et l'argile n'ont pas fait bon ménage. Ma peau agressée a réagi et, au lieu d'avoir une conversation tranquille et diplomate avec mon cerveau, elle s'est contentée de placarder mon corps de flaques colorées. Les tâches vertes jurent violemment avec mes hématomes naissants, on dirait que j'ai joué à la vache qui tache version LCD colorsmart. J'enfile rapidement mes vêtements soudainement trop peu couvrants à mes yeux et file chez moi en rasant les murs.

17h.
Affalée sur le canapé.
Un verre de coca light glacé à la main.
Je boude et renomme jour J : jour Je ne fais rien.
Et je ne m'occupe plus de moi. Il n'y a pas pire ingratitude que la sienne.

02 juillet 2006

A la solde de l'adversaire


Ce n'est pas comme si c'était un grand plaisir pour moi, mais toute pseudo-modeuse se doit de s'intéresser un minimum aux soldes. Je me déteste. Me voilà donc partie pour un aprem' shopping, parée de mon plus beau cabas au bras : ma copine total fashion. Les filles doivent savoir de quoi je parle, cette fille qui connaît toutes les tendances, et même les futures tendances qu'elle est à seule à renifler, la truffe aux aguets, celle dont la bible est le supplément mode de Vogue usa et qui rêve de devenir un jour, si le Dieu des stilettos le veut bien, une vraie Alix Girod De l'Ain. Celle dont on déteste la futilité mais dont le charme, le sourire et la bonne humeur constante (se crisper ca file des rides chérie, fais gaffe) nous font succomber.

Me voilà doonc embarquée pour une tournée foule, fringues défraîchies et canicule mortelle, ou plutôt (traduit par Cop'mode) futurs mecs potentiels, fringues à tomber et bronzage assuré. Chouette... J'aurais dû me suicider au nutella périmé hier soir. Trop tard, je suis piégée par le sourire de Docteur Jupette / Miss Hype.

Les quartiers commerçants sont bondés. Et même, débordants. Vomissants de foule transpirante et moîte. Les oasis fluo placardés vulgairement abreuvent les bêtes assoiffées qui se damnent d'amour devant les ristournes promises, salissant les vitrines de baisers enjôleurs et caressant les étiquettes prometteuses. Linceul mouvant et puant, coeur envieux de la ville offerte. Je me faufile tant bien que mal dans les neurones vides de la masse, me servant de Copine comme bouclier, petit être ravi de frôler du mâle gominé.

Puis, dans un brusque changement de direction, nous franchissons le synapse climatisé et cerbérisé d'un magasin hypermodernisé. Les murs blancs et les néons criards me transpersent les pupilles, je sens la migraine pointer. Ou peut-être est-ce dû au mélange raffiné sueur-déo du poilu qui semblent attendre sa femme, appuyé contre un rayon, la mine dépitée. Nous voici dans l'aire de l'odorat. J'effleure les flacons alignés, parfume des tiges de papier que j'enfourne dans mon portefeuille et déambule bêtement sur la moquette beige pendant que Mademoiselle Mode fouine dans le rayon manucure. Une vendeuse m'accoste (m'agresse?) et me sort d'un sourire si fade qui'ilme semblait collé là, comme une mouche attirée par l'odeur du patient mari : "Je peux vous aider?". Ouhla, à la vue de son rouge à lèvre sanguin contournée d'un trait noir, je prends peur, fais un petit geste de la main et méloigne en trottinant. Ainsi ces choses ont remplacé les lèvres purpurines que chérissait Roméo... Décandence de laideur.

Perdue dans mes pensées, tripotant du doigt un fin ruban satiné ornant un coffret Chantal Thomass, je suis vite récupérée par Notre Amie qui m'explique d'un air indigné qu'ils vendent encore du vernis à paillettes, alors même que, et ca tout le monde le sait, c'est out depuis des luuuuuustres chérie. Je sais pas, moi mes ongles je les ronge t'façon.

Extirpée de la chose pour être à nouveau engouffrée dans un magasin de fringues tip-top tu vas voir, je reste passive et lassive, tirée par la main par mon Maître Marie-Clairien. Une fois de plus j'erre dans les rayons repus de tissu. Je parcours mollement du regard les offrandes vestimentaires proposées, mais la saveur ne m'atteint pas. Et puis je finis par tomber sur ce cache-coeur noir, lové dans un coin, seul et terriblement classique, me caressant d'effluves tentantes. Je le regarde, l'appréhende, le touche et l'aime déjà. Je le saisis vivement mais je sens une main empêcher mon aquisition. Une bimbotteuse haut-perché le tire à elle violemment, me jetant un regard noir. Et dans ma tentive de récupération de l'objet convoitisé, la couture se déchire, s'écarte, et cicatrise à jamais le trésor. Et zut. Je le lâche et le laisse à la concurrente qui elle semble ravie de son futur achat, même estropié. L'important semblait être de gagner le combat plutôt que d'en récolter un butin alléchant. Bwof.

Je pars rejoindre ma Camarade de chambrée à l'autre bout du magasin, pour m'apercevoir à la fin de mon périple qu'elle est en délicieuse compagnie. Elle est en train de conseiller un jeune homme sur ses achats (le pauvre il vient juste de casser tu comprends, c'est trop triste... faut en profiter!). Je lui fais comprendre d'un signe de la main que je m'éclipse, et après une moue boudeuse d'une demi-seconde, elle retrouve son sourire légendaire devant le bel esseulé.

Je rentre donc chez moi, gavé d'un bain de foule trop lourd pour mon estomac. Je passe à la pharmacie acheter un collier anti-puces pour mon sumo de chat et file d'un bon pas vers mon antre de tranquillité, loin des posters raccolleurs et autre soldes im-bat-ta-bles. En remontant 4 à 4 les escaliers vers mon chez-moi, je croise ma voisine du 2ème qui me regarde d'un air mutin : "Alors, on a fait de bonnes affaires ?! ". Je regarde mon petit sac de papier et le remue en l'air : "J'ai acheté un petit collier avec une clochette". Elle me regarde l'air dubitative, se ressaisit et feint d'un ton évident : "Oui oui bien sûr, c'est la dernière mode, on en voit partout!". Préférant la laisser dans l'ignorance, je me contente de sourire avant de continuer mon ascension. Et en insérant ma clé dans la serrure, je me dis qu'une fois encore j'ai su échapper aux sirènes de l'achat inutile. C'est ma banquière qui va être contente !!

23 juin 2006

Un oeil sur ma planète

L’été faisant, la Juju se déshydrate. Petit animal citadin aux réserves corporelles d’eau limitées, la Juju se doit au début des grosses chaleurs d’augmenter sa consommation quotidienne de liquide. Adepte du coca light, elle doit alors les acheter par packs (plus lourds que ses habituelles canettes mais d’une contenance bien plus pratique). Ne pouvant trouver ces packs dans sa réserve naturelle (alias l’épicerie du coin), la Juju doit alors se rendre dans des contrées bien plus vastes et bien plus hostiles : l’hyper géant méga supermarché.

Accompagnée de son acolyte le Grosbisou (petit animal câlin à la communication riche et à la compagnie agréable, bien que dénué de tout langage verbal), la Juju se déplace seule, trop peu sociable pour adopter la notion de meute.

Arrivée à l’oasis commercial, la Juju se pare d’une poche métallique sur roulette, car naturellement non dotée d’un rangement corporel ergonomique. Elle y cale le Grosbisou dans un espace prévu à cet effet et se dirige d’un air méfiant vers l’oasis rafraîchissant. Agressée par la climatisation ambiante, la Juju renfrogne sa truffe, plisse ses paupières et se hâte vers les barrières métalliques destinées à réguler les entrées et à vérifier si les espèces attirées présentent une menace quelconque pour les proies peu vigilantes.

Après s’être arrêtée devant toutes les têtes de gondole jaune fluorisées, la Juju parvient enfin au rayon souhaité. De son regard averti, elle repère les packs argentés destinés à attirer l’œil de la femelle. Elle s’avance doucement afin de ne pas montrer son intérêt certain et attirer la convoitise des amatrices tapies derrière leurs chariots de métal.

La Juju saisit la bride plastifiée d’un pack, alors même qu’une femelle de la même espèce, qui se différencie d’elle par sa toison sombre, s’empare elle aussi de la poignée. Les bêtes se toisent, se fixent et se défient. Les pupilles se dilatent, les dents se découvrent. Eblouie par la bouche glossée de la Juju, Toison Brune se retire, tête baissée et lèvre retroussée.

D’un air vainqueur mais méfiant, la Juju se saisit rapidement du pack, le cale dans sa remorque ternie et file vers le point de troc. Contre quelques pièces rondes grappillées ci et là, la Juju peut repartir avec le nectar convoité. C’est un soulagement pour cet être solitaire et assoiffé. En sécurité, tapis dans leur antre, la Juju et le Grosbisou pourront enfin se délecter du liquide pétillant acquis après bien des désagréments et des dangers, au sein d’une nature hostile à ses propres habitants.

Les aléas de la vie de ce petit être étrange en voie de disparition ne cesseront de nous étonner. Voilà encore bien des mystères que la vie animale nous réserve, et que nous ne saurions banaliser…

20 juin 2006

A ces âmes, ouvre-toi

Il y a des fois dans la vie où t'aimes pas ce qui se passe. Toi tu es jeune et tu penses que tu as le temps. Et puis un jour on te met une claque et ça te réveille. Et tu as mal.

On t'avait dit "les gens ne sont pas éternels". Et tu le savais. Mais pas assez. Y a des gens pour lesquels tu te dis que ça n'est pas possible, y a une dérogation. Parce que toi, sans eux, t'as l'impression de ne plus exister. Et pourtant ils partent. Et tu as si mal que tu en veux à tout le monde. Tu leur en veux aussi. Pourtant c'est pas leur faute et ça aussi tu le sais. Mais tu ne crois plus en tout ce que tu croyais savoir.

Alors tu te dis que peut-être ils ont rejoint le pays des arc-en-ciel, et que les bisounours les chériront autant que toi tu aurais voulu le faire. Mais tu avais le temps. Et quand tu vois Grosbisou recroquevillé, en boule dans un coin, les yeux qui pleurent en dedans, sans larmes, et le ventre qui ne ronronne plus, tu sais qu'il sait. Les bisounours ne les accueilleront pas.

Alors déjà tu te dis que c'est pas possible. C'est pas faisable. Y a une caméra quelque part et quand tu auras bien eu peur, tout le monde sortira de sa cachette et rira, applaudira et te chariera. Alors tu attends sur ton lit, en montrant bien sur ton visage que tu as peur. Mais personne ne sort des coins sombres. Et là tu as vraiment très peur. Tu es seul.

Tu repenses à leurs traits, à leur parfum et à leur voix. Y a des choses dont tu te souviens pas et tu trouves ça domamge. Tu écris sur un bout de papier tout ce que tu aurais aimé leur dire. Mais tu avais le temps. Et plus la liste s'allonge, plus tes yeux te brûlent. Alors tu déchires la liste et tu pleures en faisant du bruit. Tu veux qu'ils voient qu'ils te font mal. Et tu es fatigué, tu te sens vide et tu ne pleures plus. Tes yeux sont rouges, ton visage bouffi mais tu t'en fiches. Parce qu'ils ne sont pas là pour le voir.

Tu essaies d'imaginer la vie sans eux, tu as l'impression de grandir trop vite. Tu pensais avoir le temps. Tes épaules te font mal et ton coeur cogne fort. Ton corps veut te prouver que lui, il est vivant. Et ça te fait encore plus mal. Et même si tu as envie de tout foutre en l'air, tu sais au fond que tu peux pas. Y a des gens qui comptent sur toi. Et Grosbisou qui a besoin de tes bras.

Alors tu le ramasses et le poses contre ton ventre, là où avant c'était tout chaud. Et tu le berces. Et tu te berces. Tu lui dis que tout ira bien, qu'il y a encore beaucoup de personnes qui l'aiment et qu'il n'est pas seul. Et tu aimerais croire ce que tu dis. Parce que ta tête, elle ne l'entend pas.

Et tu sais que toi aussi un jour tu feras du mal à ceux qui t'aiment. Mais t'as pas le choix. Et ça aussi ça te fait mal. Et à un moment tu as tellement mal que tu ne pleures plus, que la boule dans ta poitrine diminue et tes mâchoires se desserrent. Ton corps est lourd et te fait mal. Mais tu vas te lever et recommencer ta vie. D'abord tout doucement, amèrement, en culpabilisant. Et les jours passent, ta douleur est sourde et latente, mais elle ne t'entrave plus autant. Ce n'est plus comme avant. Mais tu continues.

Et tu sais qu'un jour tu auras la force de penser à eux sans être triste. Tu auras sur le visage un sourire nostalgique, et tu raconteras à tes enfants leurs traits, leur parfum, leur voix. Et ton ventre sera chaud. Et tu auras toujours une pensée pour eux, pour les faire vivre encore un peu. Et tu aimeras ça.

19 juin 2006

La chair de pool

Depuis quelques jours, mon appartement est devenu un vrai sauna. Au départ je n'y voyais pas vraiment d'inconvénients, c'est bon pour la peau, les formes et le moral. Mais lorsque Grosbisou a commencé à sentir le corned beef, je me suis inquiétée. Direction : la piscine.


Après tout, se balader à moitié nue devant des inconnus, boire de l'eau chlorée et chopper des verrues, c'est pas si grave que ça... arf. Vivement que je trouve un Prince riche pour en avoir une à moi (et éventuellement à Prince s'il est sympa). J'embarque mon maillot, ma trousse de toilette, ma serviette Bart Simpson et un caleçon pour Grosbisou. C'est parti.

En arrivant dans les vestiaires, je suis déjà bien dégoûtée par les flop flop de mes converses sur le sol mouillé. De vieux souvenirs se rappellent à ma mémoire : la corvée piscine du vendredi matin lorsque j'étais en primaire. Je me déshabille rapidement, enfile mon maillot rouge façon Pamela, prends Grosbisou dans mes bras et file sous la douche. Grosbisou couvre ses yeux de ses pattes dodues et frissonne sous l'eau. Je le sers plus fort contre moi, le secouant un peu, et me dirige vers la piscine. Premier obstacle : le bassin de trempage de pieds (ambiance Les dents de la mer).

J'enjambe tant bien que mal la pataugeoire bactérisée et longe le grand bassin, l'ours calé contre l'épaule. Le carrelage granulé (supposé nous empêcher de tomber et je le confirme : cela ne fonctionne pas du tout) me fait longer la piscine et me conduit dans le coin des transats, pour les greluches comme moi ne raffolant pas de la stagnation de l'eau chlorée sur le sol. J'installe Grosbisou à mes côtés, étends ma serviette sur mon siège et m'installe. Ca, c'est fait.

Partout autour des gamins crient, chahutent, s'éclaboussent, se coulent. Des bandes d'ados sont flanquées dans les tribunes, regardant ci et là les nanas qui passent, ponctuant les allées et venues de moues boudeuse, enjouées, voire excitées. Plus loin, une mamie avec un bonnet à fleurs en relief est allongée sur un banc, le ventre collé à la paroi de plastique, et s'entraîne au crawl. C'est particulièrement flatteur.

Grosbisou me tapote sur le bras, et désigne la paroi vitrée au-dessus de nous. Il doit craindre pour ma peau. Ai-je vraiment l'air de celles qui prennent des coups de soleil?... Bon je vous l'accorde, ma peau d'aspirine ponctuée de grains de beauté et de tâches de rousseur semble faire croire que je suis incapable de bronzer... Pourtant après 3 semaines à la plage, à raison d'une exposition d'environ 12 heures par jour, je finis par avoir un léger hâle tout à fait seyant. Si si, j'vous l'dis.

L'air inquiet de Grosbisou me culpabilise quand même, et je sors mon arme fatale : l'écran total. Seule crème me permettant de paraître encore plus blanche. Oh joie! Je m'en tartine allégrement, ferme les yeux, et affiche mon statut "occupé(e)" quelques minutes. Plénitude.

Mais je sens bien vite les coussinets de Grosbisou gratouiller mon avant bras. Il regarde d'un air miséreux le toboggan, ses grands yeux tendres faisant fondre mes réticences. Je le prends par les aisselles, le cale contre moi et me dirige vers la file d'attente. Vingt minutes passées le nez dans les fesses de la personnes précédente, respirant l'air vicié des foules humides, n'osant me tenir à la rampe engluée.

Après avoir énuméré 15 fois les puissances de 7 jusqu'à 823543, j'aperçois enfin la fin du tunnel : la stalle d'assise qui me permet d'espérer la naissance du toboggan. Je m'assois, allonge bien mes jambes, pose Grosbisou contre mon ventre et me laisse glisser dans le tube transparent. L'écran total aidant, je me sens comme une anguille dans les mains de Maïté : je fuis la gravité. Le corps huilé, je pars dans tous les sens, me voilà sur le ventre, puis tête en avant, les pieds au niveau du cou ou en position du lotus. C'est un joli n'importe quoi dont tous les pataugeurs se délectent. J'entends Grosbisou ronronner, il a l'air de s'amuser comme un fou. Après de nombreux virages (au moins 7 puissance 4) j'atterris lourdement dans l'eau, d'un plat du ventre absolument magistral. Je reprends rapidement mes esprits, m'empresse de remonter à la surface et me dirige d'une nage de bébé chien vers le bord ondulant de la piscine.

Je vois à quelques mètres de là Grosbisou faisant la planche, un sourire aux lèvres. Je l'attrape par la patte, le dépose sur le carrelage, cale mon genou dans la rigole ajournée et grimpe sur le sol d'une façon tellement moi, tellement... disgracieuse. Tout autour les gens me regardent, les enfants ne jouent plus et me dévisagent, comblés de drôlerie. Je récupère l'ourson et regagne d'un pas pressé mon transat. Un conseil : ne soyez jamais pressés au bord d'une piscine. Après un élégant vol plané qui m'a semblé se dérouler au ralenti, je me suis étalée comme une grosse pieuvre sur le sol. Bruit sourd. La fesse droite totalement anesthésiée, je rejoins à quatre pattes mon siège, traînant Grosbisou comme une serpillière molle.

Je récupère rapidement mes affaires, regagne mes pénates, dépose Grosbisou sur le banc du vestiaire. Il me regarde d'un air triste et pointe ma fesse. Elle est violette-noire-jaune-verte-rouge. Quel talent artistique! Je lui fais un sourire rassurant, me rhabille prestement, range mes affaires et me dirige vers les miroirs afin de me remaquiller un peu. Assis à côté du robinet, Grosbisou me fixe d'un air étrange. Un coup d'oeil dans le miroir m'aura suffit à comprendre : le chlore a rendu mes mèches blondes vertes. Mais carrément vert fluo. Ouhlaaaa. Découragée par cette vision, je ne tente même pas de me repeindre le visage. "T'inquiète Grosbisou, comme ça c'est assorti à ma fesse". Il sourit. Et tout ça semble moins important.

Cette nuit là j'ai vraiment bien dormi, shootée par le chlore et fatiguée par mes démonstrations catastrophiques (et hélas habituelles). Grosbisou ronfle à mes côtés, apaisé et serein. J'en oublierais presque mes péripéties de l'après-midi. Aïe! Sauf quand je me retourne dans mon lit évidemment...

10 juin 2006

Love and marriage

L'été n'est pas que synonyme de soleil, plage et farniente. C'est également la période (tant redoutée) des mariages. Et en bonne célibataire convaincue que je suis, je suis toujours invitée. Comblement des tables impaires, envie de me caser ou de me dégouter? J'ai un doute.

Tout d'abord, cela signifie bloquer tous mes week-ends pour aller féliciter des amis déjà baignant dans le bonheur. Quelle utilité?... M'enfin, puisque personne n'est dupe de mon soi-disant timing overbooké, je me dois d'être là. C'est tellement "indispensaaaaaaaaaaaaable ma chérie, tu t'amuseras!". C'te blague.

Après m'être ruinée dans le cadeau et dans une tenue ressemblant vaguement à quelque chose, je termine le chef d'oeuvre en me cramant littéralement une mèche de cheveux, celle bien près du visage et qui me donne l'air d'un épouvantail. Avec du gel extra strong j'essaie tant bien que mal de la rabattre disrètement, et c'est à l'aide d'une dizaine de pinces à cheveux que je réussis tant bien que mal a dissimuler les frisottis brûlés.

Evidemment, erreur fatale, je suis arrivée non accompagnée. Tous mes amis sont en couples assortis (force bleue, force rouge, force rose, force jaune). Je suis le monstre qui a envie de donner un coup de pied dans tous ces couples bien pensants. Panique sur Tokyo.

Avec mon joli sourire de façade, j'embrasse tout le monde avec engouement. "Ben alors Juju, t'es venue seule? Bah tu sais ce qu'on dit, on peut faire de belles rencontres à un mariage!!". Clin d'oeil complice. Bwof. Pourquoi ai-je la soudaine envie de me pendre avec le bolduc qui entoure le cadeau?...

Après une demi-heure de soumission à des monologues sur le thème universel de je-suis-en-couple-comme-la-vie-est-belle, le futur marié vient me bisouter rapidement. C'est le seul du troupeau à sembler aussi perdu que moi. Juste le temps d'un rapide regard d'encouragement, et je pivote vers la voiture grimée de dentelle Tati et ballons Mc Do' : la mariée arrive.

Ma copine m'avait bassinée pendant des heuuuuures sur le choix de la robe et je crois qu'au lieu d'en parler, elle aurait mieux fait d'en essayer. La voilà ficelée dans un corset de satin, ses jambes masquées par une choucroute diaphane. Trop maquillée, chignonnée et dénaturalisée, elle piétine vers moi, m'embrasse de façon émouvante et me sort : "C'est gentil d'être venue, même si t'es seule." Grande inspiration, toujours sourire. "Elle est superbe ta robe, et ça te met en valeuuuuuur!!!". Oui désolée, mais je me voyais mal lui lancer mollement "bof, j'aime pas les meringues, ca colle aux dents. Après tout, à journée spéciale, dérogation spéciale.

Après un court passage à la mairie, nous nous dirigeons tous vers le pot. Non non je ne parle pas là de la mariée (mauvaises langues que vous êtes), mais de la réunion autour d'un bon verre de gens qui se connaissent, ou pas, et qui sont contents d'être là, ou pas. J'essaie de me caler dans un coin discret, entre les mini bretzels et le créman. Je devrais me réincarner en papier-peint.

Tradition oblige, je danse avec un groupe de mamies et les célibataires bouche-trous. Avec la géniale idée que j'ai eue de mettre des talons, je les dépasse tous d'une demi-tête, ce qui me vaut quelques regards mi-faussement-désinteressés, mi-alléchés. Estimant ma b-a de l'année effectuée, je me recale dans mon coin fétiche, me fais servir un bon verre (jamais plus haut que le bord me dira en riant un quinca moustachu qui se prend déjà pour mon meilleur ami) et décide de comater un peu, la chaleur et la profusion de bons sentiments me soulant plus que le créman.

Je ferme les yeux et me coupe du monde quelques minutes. Jusqu'à ce que mon ami José Bové me secoue violemment et me dise "Miss, t'as une araignée dans les ch'veux". Je m'affole comme une dingue, encore à moitié dans le coton, jusqu'à ce que je me rende compte que c'était une bonne blague de mon ami. Haha. Je ris. Aussi jaune que ses dents. Résultat des courses, ma robe est recouverte de créman. Comme d'hab!! il est rare qu'en fin de journée mes vêtements ne soient pas tachés (esprits mal tournée, bonsoir). Qu'aurait fait Mac Gyver, s'il était à ce mariage, une robe embaumant l'alcool de supermarché (oui je sais, c'est difficile à visualiser, mais un effort voyons!) ? Je pique quelques orchidées dans un bouquet, vole une pince fixant la nappe, et me designe une broche sur mesure. C'est loin d'être classe, mais au vu des tenues des uns et des autres, je passe totalement inaperçu.

Je vous passerai les jeux débiles auxquels toute l'assemblée se soumet, les mères poules qui tentent désespérément de me caser avec leur Tanguy de 34 ans et les ados soulés au ponch qui me matent de travers. A la première mesure du Petit bonhomme en mousse je me décompose littéralement et fonce vers la sortie. Il faut que je m'en sorte. Tel Garraty, chaque mètre est une victoire, la délivrance est proche. Arrivée dehors, j'inspire profondément l'air frais et me détend, enfin. Quelle galère. Et ça n'est que le premier d'une longue liste. Fait chier Meetic.

Et alors que je suis accroupie par terre, empestant l'alcool soldé, une mèche brûlée jouant les rebelles et l'air hagard, un jeune homme en costume trois pièces se penche vers moi, me sourit et me demande si ça va. Je me relève. Il me dépasse. Je souris timidement. Il me répond. Il doit me croire complètement bourrée. Mais comme dirait le philosophe Duss : Sur un malentendu, ça peut marcher. Et en cette seconde, je ne trouve meilleur leitmotiv. Il me confie qu'il est venu assister seul au mariage et que, trouvant ça un peu glauque finalement, il compte rentrer. Si j'ai besoin d'être raccompagnée? Ca serait gentil, merci. Et me voilà embarquée, sauvée, ressuscitée.

Après quinze minutes d'une discussion tout à fait charmante, me voilà arrivée devant chez moi. Je hais les autoroutes. Pseudo-Prince me dépose et après de banals "bonne nuit, peut-être à bientôt, oui oui ça ira, c'est juste là, merci au revoir", je vois l'engin de l'Homme s'éloigner. Et le silence.

Pffffffff. Un gentleman! Je croyais que ça n'existait plus! Je suis dé-gou-tée. Je serais prête à parier que sous peu, sa figurine sucrée trônera sur un haut gâteau. Enfin, tant qu'il ne m'invite pas ...




Les vieux qui s'bécotent sur les bancs publiques


Le soleil est de retour, donc ma bonne humeur officielle aussi. Chic chic. Décidée à me la jouer totalement citadine, je passe me chercher une salade composée et emmène mon sourire et ma boîte végétale dans le parc situé à deux pas de là.

Je me trouve rapidement un banc dans un coin tranquille, baigné par la pénombre d'un arbre - on va dire un chêne, je ne sais reconnaître que celui là. J'époussette le banc, m'assieds avec ma délicattesse habituelle (no comment pour ceux qui me connaissent) et commence à manger. Je me sens comme SJP à Central Park. Koule.

Face à moi, un couple de personnes âgées, amoureusement accollées l'une à l'autre, se regarde d'un air tendre. Leurs mains râpeuses et scupltées par les années s'enlacent, s'emmêlent et se serrent. Ils se regardent, sans rien se dire, d'un regard qui sait. Je laisse ma fourchette en plastique en suspend, et les observe longuement.

Ils sont littéralement absorbés par la tendresse qu'ils se portent. Elle caresse doucement le visage de son époux, un visage qu'elle connaît par coeur, et s'émeut encore de ses traits. Il a la même expressioon que moi devant un pot d'Haagen Dazs à la vanille. Il effleure délicatement le couvercle protecteur, admire les reflets voluptueux de sa gourmandise et apprécie chaque seconde qu'il passe à attendre son onctuosité. Il l'aime. Et c'est beau à regarder.

Ils se sourient quelques secondes. Je souris aussi. Et d'un seul coup je me sens extrêment seule, je me rafraîchis sous l'air tiède et me dépite du soleil. Et ce n'est pas de la jalousie qui m'envahit à ce moment précis. Mais une tristesse, prenante, longue et douceâtre. Comme si Platon jouait les projectionnistes d'un film intitulé "Haha, regarde ce que tu ne seras jamais". Je n'ai plus très faim.

Je repose bêtement ma fourchette saladée et je baisse les yeux, dégoutée par ce mauvais scénar'. Je récupère mes jambes et me dandine pour me retrouver en tailleur sur le banc. Je sors un bouquin de mon sac et me met à lire. Enfin, à essayer d'arrêter de réfléchir un peu et me concentrer sur autre chose.

Après une demi-heure de tentative de fuite, j'appuie sur "play" et reprends le visionnage du film. Le vieux couple s'embrasse chastement et doucement. Pffffff. Et dire que je cotise pour ça! Puis lentement l'amoureux se recule et lance à sa douce "Il va falloir que je file, sinon ma femme va m'incendier!". La dame sourit d'un air complice et entendu, puis l'aide à remettre sa veste, amoureusement.

Je suis scotchée. Des pécheurs!! Diantre. Je m'attendais à tout, sauf à ça. Et je commence à rire toute seule. Délivrance salvatrice. Le petit vieux s'éclipse en trottinant, l'air bonhomme, et son amante se presse vers une autre sortie du parc. C'était donc ça. Un mirage.

Minuit avait sonné, l'enchantement s'était volatilisé, retour au quotidien. Pour moi aussi d'ailleurs, qui décide de rentrer d'un pas joyeux chez moi. C'était sans compter sur mes jambes engourdies qui elles non plus ne me furent pas fidèles (quelle idée aussi de vouloir jouer les filles souples!). Je me suis donc lamentablement étalée au pied du banc, évitant de justesse de me cogner le front sur la fiente de pigeon trônant sur le coin effrité.

Maculée de sauce vinaigrette huile d'olive-basilic, je rejoins donc mes quartiers, un peu moins fièrement. En chemin je croise un enfant qui regarde mon tee-shirt d'un air dubitatif et montre du doigt la tâche qui me sert de logo.

M'en fiche, quand je serai vieille, j'aurai un amant. Y a pu qu'à attendre.

Y a pu qu'à ...

03 juin 2006

A vot' santé m'sieur dames

Ne me demandez pas pourquoi, mais il s'avère que pour pouvoir passer mes examens de fin d'année, mes vaccins doivent être à jour. Peut-être craignent-ils que je ne m'ouvre la jugulaire en me prenant les pieds dans la prise du rétroprojecteur lors de la soutenance. Ca serait ballot.

Me voilà donc, alors que j'ai tellement mieux à faire (si si) dans la salle d'attente de mon médecin. C'est un praticien très appliqué qui réserve à chacun de ses patients une écoute et un accueil particuliers. En d'autres mots, comptez 45 min par tête. Je trouve dans un coin une petite chaise à trois pieds et y pose mes fesses récalcitrantes. Me voilà dans l'univers de la salle d'attente.

Dans le coin opposé, une mamie squelettique s'est endormie. Elle ronfle de bon coeur, et le rythme ronronnant de ses attractions nasales est ponctué par les ploc ploc de la bulle qui éclate au coin de ses lèvres à chaque expiration. Musique d'ambiance.

Un enfant d'environ 5 ans la regarde comme hypnotisé, et tire la manche de sa maman pour attirer son attention sur la vie salivaire bouillonnante de Tatie Danielle. Evidemment sa mère s'en fiche royalement et dévore l'étude comparative sur les crèmes décolorantes pour moustaches de Marie-Claire. Son visage est emprunt d'un concentration impressionnante, on dirait Pivot dévorant les écrits des gamins de La Guerre des boutons. Lassé par le manque d'attention, le fils de la moustachue fabrique consciencieusement des boulettes de crottes de nez qu'il colle plus ou moins discrètement sur le revers du rideau.

Je sens que l'attente va être longue.

A côté de moi, un homme très imposant, difficilement calé sur son siège, ne cesse de tousser et d'émettre toutes sortes de bruits que je n'arrive pas à distinguer : glaires gutturaux, mucus épaissis, bouillonements de gargarisme, bref une symphonie en beurk qui ne me donne qu'une envie : l'inviter à passer devant les autres. Il se tourne vers moi, ou plutôt pivote tant bien que mal sur son axe. Le visage rubicond, le sébum abondant, il me lance un large sourire édenté, et d'une haleine mémorable (il doit se rincer la bouche au jus de chat, je ne vois pas d'autre explication) me lance un tonitruant : " Ca fait déjà 2 heures que je suis làààààààààà". Ne pas respirer. Ne pas respirer.
...
...
...
Je n'ai jamais été très bonne en apnée. Je lui réponds d'un sourire crispé sans aucune signification, me lève doucement et glisse vers la fenêtre. Je tire le rideau (je le regrette déjà) et ouvre la fenêtre à demi. De l'air.

Le temps de me rasseoir sur ma chaise branlante, le jambon bronchité a trouvé une nouvelle victime, un jeune à sa droite dont le visage se décompose au fur et à mesure du monologue parfumé. Et pour la première fois de ma vie, je prie. Je prie fort pour lui.

J'hésite à prendre un magazine. Peut-être suis-je parano mais je ne bouquine jamais de revues chez les médecins, dermatos et autres praticiens. Vieux de 3 ans, ce sont des ramasse-microbes qui permettent juste aux médecins d'assurer une continuité de clientèle. Vous venez vous faire soigner et en patientant vous choppez je ne sais quel microbe qui mettra 15 jours à se déclarer. C'est un roulement si évident que personne n'y prête attention. Je pense même que dans le cursus d'études médicales, les étudiants suivent des cours pour apprendre à déterminer quels sont les papiers de journaux les plus poreux, et donc les plus rentables pour eux (on retrouve toujours les mêmes magazines... je ne fais que constater). Je ne suis pas dupe.

Confortée dans mon idée en voyant la quinca d'en face lécher amoureusement son index à chaque tournage de page, je me cale au fond de ma chaise. J'envie la mamie qui s'est endormie. La femme à barbe d'en face se lève, me baragouine une vague protestation et referme la fenêtre sèchement. Elle doit avoir peur que son fils, sculpteur sur morve, ne prenne froid. Pourtant, ça lui permettrait de revenir dans 2 semaines et de terminer l'article qui semble la happer : Comment s'épiler avec les restes de cire de bougies de l'anniv' du dernier. Comprenant l'aversion de sa mère pour la pilosité, le petit s'en va chercher un Picsou microbé. Pour sûr, ils reviendront sous peu.

J'entends des murmures derrière la porte. Le médecin reconduit une patiente à la porte. Et de un. Tel un animal aux aguets, mon cou se tend, mes oreilles se relèvent. Docteur Jivago ouvre rapidement la porte, jette un coup d'oeil dans la salle et s'adresse à moi :

" - Mademoiselle M. ?
- Ui ?
- C'est pour votre vaccin ?
- Ui !
- Venez, je vais vous faire ça en vitesse. "

Je ne me le fais pas dire deux fois et bondis littéralement de ma chaise. Je lance un pseudo sourire désolé au gluant toussoteur qui avait amorcé son décollage. Il faudra attendre un peu. Et, à côté de lui, encore plus désappointé, je vois le jeune homme décomposé. Désolée, j'allonge ses souffrances.

Sous les regards courroucés de l'assemblée, à deux doigts de me faire lapider avec le supplément cadeau de Mickey Magazine, je file vers la sortie. Un halo de lumière m'entoure (les néons du couloir en fait) et la délivrance est douce. Une chose est sure, même s'il va devoir me trucider le bras avec une seringue de 15 cm de long, je suis soudainement prise d'affection pour le Docteur Quinn (je sais, c'est une femme, mais c'est mieux que Docteur Jekyll non?). Et 10 minutes plus tard, un pansement Polly Pocket collé à mon épaule, j'écrirai sur la ligne du bénéficiaire du chèque : Dieu .

Amen.

27 mai 2006

Quand j'sera grande...

C'est marrant de constater, à nos âges avancés, ce que nous avons finalement fait de notre début de vie. Quand j'étais en primaire, je voulais avoir un appareil dentaire, des béquilles et porter des lunettes. Je voulais également me marier avec mon amoureux de l'époque, porter des mocassins rouges vernis, devenir la meilleure copine d'Hélène Rollès. Mon grand rêve était d'être bijoutière la semaine et boulangère le week-end. Et faire des enfants c'était dégueu de la bouche.

Tout ça semble si loin!! Je suis aujourd'hui tellement plus raisonnée! Je veux porter des stilettos de 10 cm de haut qui me broient littéralement les doigts de pied, me faire marteler le nez au burin par un homme en blouse blanche, acheter une fortune des sacs dans lesquels je ne peux rien mettre, me parer d'une couche de masacara dont les paillettes m'irritent les yeux en fin de journée. Je vais bosser 50h hebdomadaires pour partir une semaine par an dans un bungalow de 9m² , acheter un chien moche que je devrai sortir tous les matins à l'aube et me faire piquouser le visage afin d'être moins vieille.

L'est belle la vie.

Enfin tout ça c'est ce que j'aimerais. En réalité, le samedi matin je ne "brunche" pas en terrasse avec mes meilleures amies. Je mate "Question Maison" en robe de chambre, me vernissant les orteils de la main gauche, essayant difficilement de manger ma bouillie fromage blanc - compote de pommes - céréales de l'autre main, le visage figé par un masque d'argile verte.
Je mange le poulet encore bouillant avec les doigts, je fais des bulles dans mes milk-shakes vanille et une fois sur deux le boutonne mal ma veste (je mets mardi avec mercredi comme dirait ma maman). Je suis bieeeeeen loin des couv' de mes Marie-Claire US que j'empile dans mes toilettes. Pourtant j'achète les produits et je mets tout comme c'est dit sur la bwate! Mais je ne marche pas de façon tortueuse, une main élégamment posée sur la hanche et le visage grave.

Alors qu'est-ce qui cloche?

Moi ?!

Naaaaaaaaaan.

Ce sont les magazines. Ce qu'ils ne disent pas, c'est que les filles des couvertures sont nées spéciales. Il doit y avoir, dans un pays dont on ne connaît pas le nom, des couveuses remplies de bébés aux profils grecs et aux yeux clairs. Dans leurs bulles en verre, les nourrissons habillés de grenouillères en velours rose ou bleu (oui parfois y a des hommes sur les couv', mais ce sont quand les filles qui achètent) ne pleurent pas, ne crient pas. Ils sourient. Pas de ces sourires béats et un peu cons qui donnent aux bébés l'air d'avoir été valiumés, non des sourires classes, retenus et charnus. Ils ne se mettent pas les doigts dans le nez et n'ont pas la bouche qui bulle pendant qu'ils dorment.

J'pouvais pas lutter.

Moi d'abord je n'ai su marcher que tard, quand je me suis aperçu que rouler sur moi-même ne me mènerait jamais qu'à mon point de départ. Et je me cassais toujours la figure. Les filles de couv' elles n'ont jamais des croûtes de 20cm² aux genoux. Elles doivent avoir des genoux en plastique. Ou une peau amovible. Des sortes de pansements qui remplacent l'endroit croûté. Les filles de couv' ne disent jamais "croûté".

Enfin, ma chance dans tout ça est que je ne figurerai jamais dans les toilettes de quelqu'un. Nan mes ex ne sont pas si bizarres. Quand même!

Quoique...

Bref. Tout ça pour dire qu'on ne peut pas être bijoutière et boulangère. Ben oui, le lundi j'aurais les doigts gras à cause des croissants, et ça ferait des marques sur les bijoux. Et les bijoux, ce sont les filles de couv' qui les achètent. Moi j'les regarde. Et ça brille. Ce sont les appareils dentaires des riches. Parce que les filles de couv' elles ont toujours des dents parfaites. Mais moi je riais toujours trop grand alors mes dents étaient à leur aise. Les dents du bonheur qu'ils disaient.

Enfin... Je ne sais plus où je voulais en venir... Vous non plus? Mais vous ne m'écoutez pas ou quoi??? Ingrats !! D'abord, Hélène Rollès, elle, elle aurait su...

25 mai 2006

Cinéma cinéma cinéma Tchi tchaaaaaaaa

Je n'ai jamais trop aimé les jours fériés. Bon on peut faire la grasse mat', mais tous les magasins sont fermés, la ville est déserte (surtout vu le temps aujourd'hui) et on a droit à une rediff' de Beethoven 15 sur TFoune. Bwof (c'est un bof, mais en plus bof, un best of bof).

Donc au menu de la journée : un ciné. Pour la première fois de ma vie, je vais aller au ciné seule. Je fais donc un voeu en fermant les yeux très fort : ne jamais plus aller au ciné seule. Ca, c'est fait.

C'est donc sous la pluie, et à pied (les bus font grève les jours fériés) que je me suis rendue au ciné intimiste de ma ville. A côté des énorme complexes UGC, ce petit bouiboui fait fi de point de chute des films à petits budgets. C'est un vieux ciné aux fauteuils rouges, au velours râpé, qui sent bon le caramel et dans lequel il fait toujours trop chaud.

Je choisis au hasard un film dont l'affiche est plutôt jolie, une jeune fille aux jambes blanches est assise, ou plutôt posée, sur une chaise noire. C'est parti. Je prends mon ticket et grimpe les marches menant au premier étage. Une quinzaine de minutes plus tard, alors que nous sommes 5 dans la salle (dont un homme lisant le journal?!), le film démarre. Chuuuuuuut ...

Après un générique un brin long (environ 8 minutes) résumé en un plan fixe sur une fille se limant les ongles, je m'aperçois que le film est en roumain (ou quelque chose comme ça) sous-titré en bulgare (environ aussi). Je regarde autour de moi les autres spectateurs qui ne semblent pas le moins du monde surpris et hochent la tête au fur et à mesure du monologue.

Après une dizaine de minutes passées à essayer de piger le pitch, j'ai baissé les bras et suis sortie dans le couloir. Je descends acheter un gobelet de Sprite, et me cale contre les marches en contre-bas, celles qui font face à la vitre extérieure mais aussi aux toilettes. Point sécurisant. Dehors la pluie tombe violemment, le vent semble faire tomber les gouttes à l'horizontale. Un enfant passe, accroché énergiquement au bras de sa mère, et saute dans toutes les flaques qu'il croise. Plus loin, un chien s'ébroue à côté d'un papy qui se met à râler et qui continue son chemin en grognant et en prenant à parti des témoins que lui seul connaît.

Deux adolescentes survoltées manquent de me marcher dessus et se dirigent vers le cabinet de toilettes. Je n'ai jamais compris l'habitude des filles de cet âge (voire plus, je ne citerai pas de noms) qui consiste à aller aux toilettes par deux. Rituel social (han je t'aime bien, laisse-moi faire pipi à côté de toi!)? Peur de se perdre? De se casser un doigt en appuyant sur la chasse d'eau et avoir besoin d'une autre pour se rezipper? Ah mystère de l'adolescence... J'ai dû en louper quelques affres.

La vieille caissière, maquillée à la truelle, se tourne vers moi, lève son menton et me lance:
" - L'est pas bien le film?
- Je comprends pas le roumain
- C'est du tchèque
- Non plus..."
Elle se retourne, désintéressée, et reprend son tricot. Je ne sais pas combien de temps je suis restée là, à mâchouiller ma paille. Assez pour voir mes amis spectateurs sortir de la salle, époustouflés par la grandeur du film (enfin je crois, je sais pas).

J'attends que la pluie se calme un peu et tente une sortie. Le chien est toujours dans la rue, il renifle les semelles pressées des passants. J'erre dans quelques rues, tout à l'air endormi. Je passe acheter un chausson-franboise dans une boulangerie ouverte et m'asseois sur un banc, dans le parc du centre ville. Mes chaussures sont revouvertes de boue, mais ça ne me dérange pas. Ca me rassure même.

L'acalmie semblant déjà terminée, je me lève et presse le pas vers mon appart', où des vêtements secs et un bon thé chaud m'attendent. J'en frissonne de plaisir. Et, en prenant soin de bien marcher dans chaque flaque d'eau, je parcours le peu de chemin qu'il me reste avant de retrouver mon confort quotidien. Il n'y a rien de meilleur qu'écouter la pluie tomber dru lorsqu'on est bien au chaud chez soi. Sauf peut-être l'écouter à deux...

Enfin si un jour, accompagnée, mon passe-temps préféré est d'écouter la pluie plutôt que l'autre, je me poserai de sérieuses questions. Ah les paradoxes féminins...