Le monde de Juju

10 juin 2006

Les vieux qui s'bécotent sur les bancs publiques


Le soleil est de retour, donc ma bonne humeur officielle aussi. Chic chic. Décidée à me la jouer totalement citadine, je passe me chercher une salade composée et emmène mon sourire et ma boîte végétale dans le parc situé à deux pas de là.

Je me trouve rapidement un banc dans un coin tranquille, baigné par la pénombre d'un arbre - on va dire un chêne, je ne sais reconnaître que celui là. J'époussette le banc, m'assieds avec ma délicattesse habituelle (no comment pour ceux qui me connaissent) et commence à manger. Je me sens comme SJP à Central Park. Koule.

Face à moi, un couple de personnes âgées, amoureusement accollées l'une à l'autre, se regarde d'un air tendre. Leurs mains râpeuses et scupltées par les années s'enlacent, s'emmêlent et se serrent. Ils se regardent, sans rien se dire, d'un regard qui sait. Je laisse ma fourchette en plastique en suspend, et les observe longuement.

Ils sont littéralement absorbés par la tendresse qu'ils se portent. Elle caresse doucement le visage de son époux, un visage qu'elle connaît par coeur, et s'émeut encore de ses traits. Il a la même expressioon que moi devant un pot d'Haagen Dazs à la vanille. Il effleure délicatement le couvercle protecteur, admire les reflets voluptueux de sa gourmandise et apprécie chaque seconde qu'il passe à attendre son onctuosité. Il l'aime. Et c'est beau à regarder.

Ils se sourient quelques secondes. Je souris aussi. Et d'un seul coup je me sens extrêment seule, je me rafraîchis sous l'air tiède et me dépite du soleil. Et ce n'est pas de la jalousie qui m'envahit à ce moment précis. Mais une tristesse, prenante, longue et douceâtre. Comme si Platon jouait les projectionnistes d'un film intitulé "Haha, regarde ce que tu ne seras jamais". Je n'ai plus très faim.

Je repose bêtement ma fourchette saladée et je baisse les yeux, dégoutée par ce mauvais scénar'. Je récupère mes jambes et me dandine pour me retrouver en tailleur sur le banc. Je sors un bouquin de mon sac et me met à lire. Enfin, à essayer d'arrêter de réfléchir un peu et me concentrer sur autre chose.

Après une demi-heure de tentative de fuite, j'appuie sur "play" et reprends le visionnage du film. Le vieux couple s'embrasse chastement et doucement. Pffffff. Et dire que je cotise pour ça! Puis lentement l'amoureux se recule et lance à sa douce "Il va falloir que je file, sinon ma femme va m'incendier!". La dame sourit d'un air complice et entendu, puis l'aide à remettre sa veste, amoureusement.

Je suis scotchée. Des pécheurs!! Diantre. Je m'attendais à tout, sauf à ça. Et je commence à rire toute seule. Délivrance salvatrice. Le petit vieux s'éclipse en trottinant, l'air bonhomme, et son amante se presse vers une autre sortie du parc. C'était donc ça. Un mirage.

Minuit avait sonné, l'enchantement s'était volatilisé, retour au quotidien. Pour moi aussi d'ailleurs, qui décide de rentrer d'un pas joyeux chez moi. C'était sans compter sur mes jambes engourdies qui elles non plus ne me furent pas fidèles (quelle idée aussi de vouloir jouer les filles souples!). Je me suis donc lamentablement étalée au pied du banc, évitant de justesse de me cogner le front sur la fiente de pigeon trônant sur le coin effrité.

Maculée de sauce vinaigrette huile d'olive-basilic, je rejoins donc mes quartiers, un peu moins fièrement. En chemin je croise un enfant qui regarde mon tee-shirt d'un air dubitatif et montre du doigt la tâche qui me sert de logo.

M'en fiche, quand je serai vieille, j'aurai un amant. Y a pu qu'à attendre.

Y a pu qu'à ...

1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

j'ai vecu une histoire similaire, en boite de plage, un été
un couple splendide :
un homme noir, tout de blanc vétu, panama compris , dansait sur une musique techno, mais dansait la salsa, avec une femme agée mais entretenue, resplendissante dans sa robe panthère (meme pas vulgaire, alors que le panthere...)

magnifique...
et puis...
et puis la musique a pris fin...
et l'homme est parti draguer une autre femme....
decue j'ai été, de voir que ce couple si luminescent n'etait que chimere...

13:27  

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