Tout d'abord, cela signifie bloquer tous mes week-ends pour aller féliciter des amis déjà baignant dans le bonheur. Quelle utilité?... M'enfin, puisque personne n'est dupe de mon soi-disant timing overbooké, je me dois d'être là. C'est tellement "indispensaaaaaaaaaaaaable ma chérie, tu t'amuseras!". C'te blague.
Après m'être ruinée dans le cadeau et dans une tenue ressemblant vaguement à quelque chose, je termine le chef d'oeuvre en me cramant littéralement une mèche de cheveux, celle bien près du visage et qui me donne l'air d'un épouvantail. Avec du gel extra strong j'essaie tant bien que mal de la rabattre disrètement, et c'est à l'aide d'une dizaine de pinces à cheveux que je réussis tant bien que mal a dissimuler les frisottis brûlés.
Evidemment, erreur fatale, je suis arrivée non accompagnée. Tous mes amis sont en couples assortis (force bleue, force rouge, force rose, force jaune). Je suis le monstre qui a envie de donner un coup de pied dans tous ces couples bien pensants. Panique sur Tokyo.
Avec mon joli sourire de façade, j'embrasse tout le monde avec engouement.
"Ben alors Juju, t'es venue seule? Bah tu sais ce qu'on dit, on peut faire de belles rencontres à un mariage!!". Clin d'oeil complice. Bwof. Pourquoi ai-je la soudaine envie de me pendre avec le bolduc qui entoure le cadeau?...
Après une demi-heure de soumission à des monologues sur le thème universel de je-suis-en-couple-comme-la-vie-est-belle, le futur marié vient me bisouter rapidement. C'est le seul du troupeau à sembler aussi perdu que moi. Juste le temps d'un rapide regard d'encouragement, et je pivote vers la voiture grimée de dentelle Tati et ballons Mc Do' : la mariée arrive.
Ma copine m'avait bassinée pendant des heuuuuures sur le choix de la robe et je crois qu'au lieu d'en parler, elle aurait mieux fait d'en essayer. La voilà ficelée dans un corset de satin, ses jambes masquées par une choucroute diaphane. Trop maquillée, chignonnée et dénaturalisée, elle piétine vers moi, m'embrasse de façon émouvante et me sort :
"C'est gentil d'être venue, même si t'es seule." Grande inspiration, toujours sourire.
"Elle est superbe ta robe, et ça te met en valeuuuuuur!!!". Oui désolée, mais je me voyais mal lui lancer mollement "bof, j'aime pas les meringues, ca colle aux dents. Après tout, à journée spéciale, dérogation spéciale.
Après un court passage à la mairie, nous nous dirigeons tous vers le pot. Non non je ne parle pas là de la mariée (mauvaises langues que vous êtes), mais de la réunion autour d'un bon verre de gens qui se connaissent, ou pas, et qui sont contents d'être là, ou pas. J'essaie de me caler dans un coin discret, entre les mini bretzels et le créman. Je devrais me réincarner en papier-peint.
Tradition oblige, je danse avec un groupe de mamies et les célibataires bouche-trous. Avec la géniale idée que j'ai eue de mettre des talons, je les dépasse tous d'une demi-tête, ce qui me vaut quelques regards mi-faussement-désinteressés, mi-alléchés. Estimant ma b-a de l'année effectuée, je me recale dans mon coin fétiche, me fais servir un bon verre (jamais plus haut que le bord me dira en riant un quinca moustachu qui se prend déjà pour mon meilleur ami) et décide de comater un peu, la chaleur et la profusion de bons sentiments me soulant plus que le créman.
Je ferme les yeux et me coupe du monde quelques minutes. Jusqu'à ce que mon ami José Bové me secoue violemment et me dise "Miss, t'as une araignée dans les ch'veux". Je m'affole comme une dingue, encore à moitié dans le coton, jusqu'à ce que je me rende compte que c'était une bonne blague de mon ami. Haha. Je ris. Aussi jaune que ses dents. Résultat des courses, ma robe est recouverte de créman. Comme d'hab!! il est rare qu'en fin de journée mes vêtements ne soient pas tachés (esprits mal tournée, bonsoir). Qu'aurait fait Mac Gyver, s'il était à ce mariage, une robe embaumant l'alcool de supermarché (oui je sais, c'est difficile à visualiser, mais un effort voyons!) ? Je pique quelques orchidées dans un bouquet, vole une pince fixant la nappe, et me designe une broche sur mesure. C'est loin d'être classe, mais au vu des tenues des uns et des autres, je passe totalement inaperçu.
Je vous passerai les jeux débiles auxquels toute l'assemblée se soumet, les mères poules qui tentent désespérément de me caser avec leur Tanguy de 34 ans et les ados soulés au ponch qui me matent de travers. A la première mesure du
Petit bonhomme en mousse je me décompose littéralement et fonce vers la sortie. Il faut que je m'en sorte. Tel Garraty, chaque mètre est une victoire, la délivrance est proche. Arrivée dehors, j'inspire profondément l'air frais et me détend, enfin. Quelle galère. Et ça n'est que le premier d'une longue liste. Fait chier Meetic.
Et alors que je suis accroupie par terre, empestant l'alcool soldé, une mèche brûlée jouant les rebelles et l'air hagard, un jeune homme en costume trois pièces se penche vers moi, me sourit et me demande si ça va. Je me relève. Il me dépasse. Je souris timidement. Il me répond. Il doit me croire complètement bourrée. Mais comme dirait le philosophe Duss : Sur un malentendu, ça peut marcher. Et en cette seconde, je ne trouve meilleur leitmotiv. Il me confie qu'il est venu assister seul au mariage et que, trouvant ça un peu glauque finalement, il compte rentrer. Si j'ai besoin d'être raccompagnée? Ca serait gentil, merci. Et me voilà embarquée, sauvée, ressuscitée.
Après quinze minutes d'une discussion tout à fait charmante, me voilà arrivée devant chez moi. Je hais les autoroutes. Pseudo-Prince me dépose et après de banals "bonne nuit, peut-être à bientôt, oui oui ça ira, c'est juste là, merci au revoir", je vois l'engin de l'Homme s'éloigner. Et le silence.
Pffffffff. Un gentleman! Je croyais que ça n'existait plus! Je suis dé-gou-tée. Je serais prête à parier que sous peu, sa figurine sucrée trônera sur un haut gâteau. Enfin, tant qu'il ne m'invite pas ...